Le fait de se réveiller en sursaut et souvent avant que son réveil ne sonne était devenue une mauvaise habitude chez Neoko. En l’occurrence, elle ne pouvait se blâmer de faire des mauvais rêves qui l'empêchaient de faire des nuits calmes et complètes mais comme tout provenait de son petit subconscient, elle en avait conclu que quelque part, elle avait une part de responsabilité. La brune inspira un bon coup pour calmer sa respiration et se redressa dans son lit. Un petit détail insignifiant la gêna : d'habitude, ses cheveux se collaient dans sa nuque ou venaient lui chatouiller les épaules. Et là, rien. L'adolescente fronça les sourcils et passa une main dans ses cheveux avant de faire les gros yeux. Ses cheveux étaient plus courts. Elle avait perdu des morceaux de sa chevelure durant la nuit ? Elle baissa les yeux vers son oreiller mais aucune trace de perte capillaire et son expression faciale se fit un peu plus inquiète. D'un geste brusque, elle repoussa ses draps et couvertures et vint se planter devant son miroir de chambre dans la semi-obscurité. Neoko se figea telle une statue en voyant son reflet.

En effet, le miroir ne reflétait pas son habituelle apparence de naine frêle et mal réveillée. Non, non. Cette fois, c'est une apparence de NAIN frêle et mal réveillé. Ses yeux s'écarquillèrent encore plus en constant que non seulement ses cheveux étaient plus courts mais qu'en plus, elle avait complètement perdu le peu de forme féminine qu'elle avait : sa poitrine quasi inexistante venait de s'envoler comme par magie, ses épaules étaient un peu plus carrées mais surtout, surtout … Elle avait grandi – ce qui fut d'ailleurs le seul point positif qu'elle remarqua. Certes, de quelques centimètres presque invisibles, mais elle avait grandi. Sa bouche s'ouvrit, béante, mais aucun son ne sortit. Qui était l'auteur de ce maléfice ? Et en plus, elle avait bientôt cours !

L'adolescente – ou plutôt l'adolescent au vu des circonstances – poussa un gémissement d'ennui et se dirigea de nouveau vers son lit où elle se laissa tomber pour déprimer, la tête enfoncée dans son oreiller. Elle espérait sincèrement être encore en train de rêver et qu'elle allait bientôt se réveiller de ce cauchemar. Sa main passa de nouveau dans ses cheveux mais rien à faire : ils était bel et bien courts et c'était, malheureusement pour elle, la triste réalité.

« Pourquoi moi ? » se lamenta-t-elle à voix basse en ayant une violente envie de retourner sa chambre en désespoir de cause.

Finalement son réveil sonna et elle le jeta d'un geste rapide contre le plancher comme seul réconfort. Elle ne souhaitait absolument pas aller en cours. Et pourtant … Elle en était obligée. Neoko se releva en marmonnant des bouts de phrase comme « Achevez-moi ... » ou « Je vous hais tous ... » et prit la direction de la salle de bain en traînant des pieds, peu enthousiasmée à l'idée de devoir montrer sa nouvelle silhouette à d'autres personnes. Le pire, ce serait que des gens la reconnaissent, histoire de la rendre complètement misanthrope ou agoraphobe. Elle ferma la porte dans un soupir et retira le haut de son pyjama en jetant un coup d’œil furtif vers le miroir. Pas de trace de poitrine. On ne pouvait pas non plus dire que sa forme masculine était musclée comme pour faire écho au fait qu'en réalité, la jeune fille était une véritable planche à pain. Puis vint le moment où elle baissa les yeux vers son short. Elle se figea de nouveau et détourna le regard aussitôt. Mon Dieu, la transformation allait JUSQUE LÀ ?! Elle prit une profonde inspiration et eut une envie de pleurer en maudissant la Terre entière. Tant pis pour la douche, elle la prendrait le soir. Hors-de-question qu'elle voit ou qu'elle n'entrevoit ce que son entrejambe était devenue pour le moment.

Neoko ressortit de la pièce et tira sa valise pour trouver les vêtements les moins féminins qu'elle puisse posséder. Elle eut la pensée d'aller voler en catimini des vêtements à des garçons de sa connaissance mais elle chassa cette idée. Elle extirpa un t-shirt à manches courtes ainsi qu'un gilet qui d'habitude était trop grand pour elle. L'adolescent sortit tous ses jeans pour essayer de trouver celui qui faisait le plus masculin et finit par en choisir un après moult et moult réflexion. Elle se changea, se saisit de son sac et fourra ses affaires dedans. D'un coup d’œil, elle regarda son apparence se reflétait dans le miroir. Elle s'observa saisir un de ses deux mèches grises et tirer une grimace en constatant qu'il était très facile de la reconnaître en réalité. Dans un soupir, elle sortit et prit la direction de la bibliothèque pour aller s'y terrer jusqu'à ce qu'elle se soit assez préparée mentalement pour affronter les autres élèves.

À cette heure matinale, la bibliothèque était de toute manière VIDE. Donc la jeune fille sera d'autant plus tranquille. Elle entra, s'installa à une table et s'affala dessus dans un énième soupir. Cette journée commençait vraiment, vraiment très mal. Ses yeux se fermèrent et se rouvrirent presque aussitôt. Elle jeta son sac sur la table qu'elle avait décidé d'occuper et partit littéralement se cacher dans les étagères plutôt que d'essayer de trouver un livre, ses pensées bien trop occupées sur sa nouvelle apparence et l'envie de se suicider si jamais quelqu'un venait à la reconnaître.

« Si jamais cela n'arrive, je ne sors plus jamais de ma chambre … » fit-elle remarquer à voix haute.

HRP:

Ce fut peut-être la première fois que Neoko prit conscience de sa transformation en entendant sa propre voix. On aurait dit celle d'un garçon qui n'avait pas tout à fait bien mué. Rien de bien viril. Mais juste assez pour que la jeune fille – ou plutôt le jeune homme – se cogne volontairement le front contre une rangée de livres dans les étagères. Elle ferma ses yeux sous le coup, qui lui fit un peu mal et eut un soupir. Elle voulait mourir, maintenant, là, tout de suite, peu importe la manière : châtiée par la foudre divine, asphyxiée par un gaz quelconque, noyée dans une subite inondation … Ah non ! Pas d'inondation dans la bibliothèque ! Pauvres livres, eux, ils n'avaient rien demandé. L'adolescente rouvrit ses yeux et se redressa en se massant le crâne plus par réflexe qu'autre chose avant d'entreprendre de s'occuper le temps qu'elle resterait ici.

Elle prit une profonde inspiration et se pencha un peu plus sur l'étagère en face d'elle, analysant avec attention des tranches des ouvrages qui se présentaient à elle. Le regard de Neoko finit par s'élever un peu plus haut pour voir le nom de la section dans laquelle elle s'était réfugiée. D'accord. Les livres de science. Non pas qu'elle n'aimait pas la science – que ce soit la chimie ou la SVT – mais ce n'était pas spécialement le jour où elle voulait apprendre que les gaz nobles était au nombre de six par exemple. Un nouveau soupir lui échappa et elle voulut changer de rayon lorsqu'elle sentit quelque chose contre sa jambe qui la fit se figer littéralement sur place.

Lentement, la brune baissa ses yeux violets vers ce qui se … frotter contre elle. Elle eut la curieuse surprise de constater qu'il s'agissait d'un chat. Ses muscles se relâchèrent aussi et elle souffla de soulagement. Elle avait eu peur l'espace d'un instant qu'il s'agisse par exemple d'une balle ou autre, ce qui aurait sous-entendu que quelqu'un d'autre se trouvait dans la pièce. Neoko eut un petit sourire, peut-être le premier depuis qu'elle s'était réveillée et s'accroupit dans un mouvement lent par peur d'effrayer l'animal. Elle aimait beaucoup les chats. Et encore, le verbe aimer était un euphémisme. Elle avait toujours voulu en avoir mais à l'orphelinat comme dans ses familles d'accueil, elle n'avait jamais réussi à en posséder un plus d'une semaine avant qu'on ne le découvre pour le relâcher. Doucement, elle secoua la tête pour chasser ses mauvais souvenirs et elle tendit le bout de ses doigts par le félin.

« Qu'est-ce que tu fais ici, toi, hn ? Ce doit bien être la première fois que je vois un chat ici. » commenta-t-elle à voix basse, le regard rivé sur l'animal.

Soudain, une idée lui effleura l'esprit. Et si. Et si, c'était un chat qui appartenait à quelqu'un ? Ça voudrait dire que quelqu'un viendrait ici ? Ou pire, que quelqu'un ETAIT ici ! Neoko se raidit complètement et jeta un coup d’œil circulaire autours d'elle en espérant de tout cœur se tromper. Elle retint un cri de désespoir en voyant une silhouette non loin d'elle. Celle d'un jeune homme qu'elle n'avait jamais vu avant – en même temps, elle n'avait pas la prétention de connaître tout le monde. La jeune fille se redressa presque aussitôt, raide comme un piquet. Avant de se dire que si elle ne l'avait jamais vu avant, c'était peut-être le même cas pour lui. Mais malgré cette pensée, elle avait la peur au ventre qu'on la reconnaisse. Doucement, la brune se racla la gorge.

« Hm … Il est à toi? » demanda-t-elle avec une petite voix en désignant le chat du menton.

HRP: