Et journée de cours de finie, une. Enfin, pour la plupart des élèves. Oui, parce que ça m'étonnerait qu'Alenaë n'ait pas séché son cours de français. Enfin. Je n'y peux rien. C'est vraiment dommage... D'un autre côté, vu la prof qu'elle a, c'est du pareil au même, mais le problème c'est qu'elle risque une heure de colle si elle tombe sur un pion. Mais là encore, il faudrait qu'elle tombe sur les rares surveillants du lycée qui appliquent les règles à la lettre...

Comme d'habitude, je passai à l'infirmerie. Comme d'habitude, elle était fermée. Sérieusement... Un jour, il faudrait peut-être que l'infirmière scolaire fasse ce pour quoi elle est payée... Heureusement que j'ai demandé à avoir un double de la clé - et heureusement qu'on me l'a accordé ! Je fis coulisser la porte - dieu que j'aime ces battants japonais, je m'en lasserai jamais -, posai mon sac bleu clair à bandoulière sur le sol et m'assis à la table sur le côté. J'avais à peine posé mes fesses sur la chaise que quelqu'un pénétra à son tour dans la pièce.

« Arwen ! », s'écria la petite fille aux cheveux bruns et aux yeux vaguement orangés en bondissant sur mes genoux.
Je souris. Il s'agissait d'Elizabeth Levinson, une fillette de treize ans que j'avais prise en affection peu de temps après son arrivée. Comme elle souffre d'asthme, elle vient souvent à l'infirmerie. Et elle est juste adorable. Je n'arrive toujours pas à croire qu'elle est chez les Gemini...

« Coucou », lançai-je en souriant et en passant les bras autour de sa taille. « Tu vas bien ? Tu n'as pas eu de crise aujourd'hui ? »
J'avoue que je m'inquiète, ses crises sont parfois très violentes.
« Siiiii », répondit-elle, les yeux larmoyants, « c'était horriiiiiible ! Fais-moi un câliiiiin ! »
Je souris et la câlinai. Elle est trop mignonne, comment résister ?
« Là, c'est fini maintenant », annonçai-je en lui tapotant la tête.

A cet instant, la porte coulissa encore et une silhouette entra. Mais... c'est dingue ! Elle vient dans sa salle faire son boulot ! Je n'en crois pas mes yeux. Enfin bref. Je la saluai et sortis de la salle, accompagnée d'Elizabeth. A la voir, je jurerais qu'elle n'a pas encore décuvé.

« Arweeeeeeeeen, tu m'avais promis que tu jouerais de la musique pour moi ! », s'écria mon amie. Mais... C'est quoi ces yeux ?! Sérieux, on dirait le Chat Potté. Et... Aaaaaah, mais ça marche en plus ! Kyaah, je peux pas résister, c'est bon, elle a gagné.
« OK, on y va. »

Et nous nous dirigeâmes vers la salle de musique. Je saluai en souriant les quelques personnes appréciées que je croisai, échangeai deux-trois banalités et poursuivis mon chemin. Et finalement, je fis coulisser le battant de la salle en question. Elizabeth n'avait pas arrêté de parler sur le chemin et je lui avais répondu, enjouée. Elle est vraiment adorable. On dirait presque un personnage de manga...

La salle était bondée. Argh... C'est pas possible... J'ai toujours trouvé ce concept de grande salle de musique commune complètement stupide. Comment veux-tu jouer de la musique s'il y a au moins cinq autres personnes qui jouent, et le plus souvent séparément... Pff... Ah ben tiens, les voilà qui s'en vont. Il se passe un truc ou... Bref... Eh bien, il n'y a plus personne. … Non, en fait il reste deux-trois mecs, toutes les filles sont parties... Bon, un pseudo-beau gosse a dû passer, du style Camille Garasaki, ou je ne sais qui d'autre. Enfin, pseudo, c'est vrai qu'il est pas mal, mais bon, je trouve ça assez ridicule que de se pâmer devant un garçon. Bref. Les quelques personnes restantes jouant à un volume sonore modéré, je me dirigeai vers le coin où j'avais l'habitude de ranger mes instruments. Oui, je joue du piano, de la flûte traversière et de la harpe. Enfin je n'ai pas de piano à moi. Nous en avions un à Oslo, mais il a brûlé avec la maison et je n'ai pas les moyens d'en racheter un. J'ai préféré investir dans ma harpe ; quant à ma flûte, je l'ai achetée d'occasion. Ça m'a fait grincer des dents mais c'était ça ou pas de flûte. J'ai dû la désinfecter pendant des heures... Enfin bref. Je pris ma harpe et m'installai sur un siège adapté avant d'entamer une musique que j'aimais bien, Sayonara no Natsu. A la base, c'est prévu pour piano et chant, mais j'ai trouvé la mélodie à l'oreille et ça rend plutôt bien.

Je pinçai mes cordes une à une, les yeux mi-clos, goûtant au plaisir simple de produire une mélodie aussi harmonieuse. Elizabeth me regardait en souriant. Finalement, je m'interrompis à la fin de la chanson. Même si elle est répétitive, je ne m'en lasse pas. Enfin.

J'étais en train de me demander quelle musique j'allais jouer à présent quand mon regard accrocha la silhouette qui entrait dans la salle. A peine plus petite que moi, les cheveux noirs méchés rouge et les yeux d'un or profond. Tiens, Ryuku ? C'est rare qu'il vienne ici, d'ordinaire, il évite cette pièce comme la peste. Enfin, je ne vais pas m'en plaindre non plus. Je lui adressai un petit signe de la main. J'étais assez loin de la porte, je n'allais donc pas m'écrier « Ryukuuuuuu ! » comme une hystérique, surtout que d'autres personnes étaient en train de jouer. D'une ce n'est absolument pas mon genre, et de deux je suis sûre à 100% que ça ruinerait notre amitié.

J'émergeai de sous ma couette au son mélodieux d'une sonnerie stridente qui me détruisit partiellement les tympans. Je crois que j'ai déjà vu mieux comme réveil ... Uh ... Bon, je vais me rendormir. De toute façon, à la base, je suis souvent à la bourre, alors un peu plus ou un peu moins ... Allez, encore dix minutes, j'ai pas envie de me lever maintenant. N'empêche qu'il fait vachement clair ce matin. Le soleil a décidé de me faire chier ou quoi ? Je marmonnai quelques insultes destinées à l'astre solaire, roulai sur mon lit pour me tourner, m'entortillant encore un peu plus dans ma couverture au passage - sérieusement, c'est pas possible, pourquoi je me retrouve toujours entouré dedans comme ça, on dirait presque un nem ou un truc du genre ... - et tendis la main vers ma table de chevet, tâtonnant pour trouver mon portable. Raaaaah, fuck les reflets sur l'écran, je vois plus r- DAFUUUUUUUUUUUUQ ?!!!!!! Déjà 16 heures ?!!!! Eh mais ... PUTAIN, J'CROYAIS QU'ON ÉTAIT ENCORE LE MATIN ! ... J'ai vraiment pas la notion du temps. Comment j'ai fait pour dormir aussi longtemps ? ... AH OUI MERDE. Ce matin, vers 7 heures et quelques, j'étais encore réveillé pour jouer à The World Ends With You ... Et je m'étais dit que vu l'heure qu'il était, autant faire nuit blanche jusqu'au bout. Apparemment, mon scumbag de cerveau n'était pas d'accord et je me suis endormi. Okay. Fuck yeah.

« Okay ... Et comment je justifie ça, moi ... »

... USE YOUR BRAIN, RYUKU. USE YOUR BRAIN. ... Okay. Scumbag un jour, scumbag toujours, il est en veille ... En même temps, je viens de me réveiller, j'ai pas les idées super claires. Au pire, je la justifie pas. Ce sera pas la première fois.

Je m'étirai paresseusement et repoussai ma couverture en bâillant. J'ai pas vraiment envie de rester ici enroulé dans ma couette comme une larve donc, faudrait que je me bouge ... Je me traînais jusqu'à la douche pour me réveiller correctement avec l'eau ... froide. Okay. Dieu, je viens de me réveiller, tu pourrais pas être moins cruel ? Enfin bon ... J'en ai besoin donc, voilà. Au pire, on est en été, je vais pas choper la crève, si ? Je suis pas super frileux, ça devrait aller. Sauf si ma poisse éternelle et Dieu s'allient pour m'emmerder. Avec toujours autant d'enthousiasme, je me retraînai vers mon placard pour en tirer des fringues. Noir, noir, noir, noir, fuck yeah. Je partis ensuite en expédition dans la chambre pour retrouver mes baskets - l'une était sous mon lit, comment elle a fini là, je sais pas, et l'autre, elle était sous mon sac, hahaha - et les enfilai en insultant Dieu entre mes dents - comme d'habitude -.

Je vidai ensuite mon sac sur mon lit pour échanger mes affaires de cours contre mon lutin dans lequel je rangeais mes partitions. Techniquement, je n'avais plus cours à cette heure-ci et si je voulais faire quelque chose de constructif, il n'y avait que la musique qui me venait à l'esprit. Je passai ensuite la bandoulière de la housse de mon clavier sur une épaule, la bandoulière de mon sac sur l'autre épaule. LE SUMMUM DE LA DISCRÉTION. Finalement, je crois que je vais me trimbaler mon lutin à la main.

... Et le parcours du combattant commença. Enfin, du moins, pour sortir du bâtiment des dortoirs, vu que les élèves affluaient ici à la fin des cours. Suis-je le seul à aller dans l'autre sens ? Je soupirai et me frayai un passage avec des coups de coude à droite, à gauche avant de me retrouver, à mon grand soulagement, seul dehors. Je traversai rapidement la cour et investis les couloirs du bâtiment principal en me dirigeant vers la salle de musique. Je fis coulisser le battant en soupirant. WTF ? Il n'y a presque personne. Mais il s'est passé quoi ici ?! Genre, y a eu une guerre ?! Ou une rumeur sur comme quoi un fantôme a envahi les lieux ? C'est pas normal, habituellement, y a beaucoup plus de gens ... Je balayai la salle du regard et tombai en arrêt devant un visage familier. Au fond de la salle se trouvait une fille blonde qui me faisait signe de la main. Arwen. A ses côtés, par contre, je connais pas. Jamais vu cette fille de ma vie. Enfin bref. Je m'approchai, tirai une chaise et me laissai tomber dessus, avant de sortir mon barda, clavier, support, machin, truc, jack, fwaaa, MAIS MERDE, C'EST VRAIMENT PAS PRATIQUE. Enfin, c'est plus pratique à transporter qu'une harpe comme celle d'Arwen, déjà ...

« 'Lut Arwen. S'est passé quoi ici ? Je vais pas me plaindre du vide qu'il y a, hein, mais ça fait bizarre de voir cette salle se transformer en désert ... » lançai-je sans lever les yeux de mon installation.

Une fois tout ceci fait - c'est dingue, je perds vers une dizaine de minutes à chaque fois parce que le câble est emmêlé, fuck my life -, je posais mon lutin sur mes genoux en cherchant une de mes partitions. Uh ... Où je l'ai foutue déjà, The Emerald Sea ver 2 de MASA ? A la base, c'est une partition pour guitare, piano et violon mais étant donné que je ne sais pas vraiment à qui demander pour m'accompagner ... Hum, bref. Ah mais merde, ça fait trop longtemps que j'ai pas rangé ce truc ... Genre, qu'est-ce que The Other Promise fout ici ? Je marmonnai quelques insultes au dieu du bordélisme, lorsqu'une voix me fit relever la tête. Uh. Fuck. Je pensai pas que j'aurais à lui faire face si vite ... J'aurais préféré un peu plus de temps pour réfléchir à la dernière fois mais ... uh ... Je déteste ma vie.

« ... Salut Yukari. »

( HRP : Oui, j'ai une corde, ne vous inquiétez pas 8D *se pend* )

En effet, Ryuku m'aperçut et se dirigea vers nous. Tandis qu'il était approximativement à mi-chemin, Elizabeth se tourna vers moi.

« Diiiiiiiis Arweeeeeeeeeeeen, c’est quiiiiiii ? », demanda-t-elle, adorablement mignonne.

Je lui aurais bien répondu sur le coup mais l'arrivée de mon ami m'en empêcha. Il tira une chaise, installa son matos – c'est bien pour ça que je me contente du piano de la salle de musique... quoique, au moins, il peut jouer dans sa chambre. De mon côté, il n'y a que ma flûte qui est facilement transportable.

« 'Lut Arwen. S'est passé quoi ici ? Je vais pas me plaindre du vide qu'il y a, hein, mais ça fait bizarre de voir cette salle se transformer en désert ... », lâcha-t-il en farfouillant dans son porte-vue pour y trouver une partition. Ah, le dilemme de la partoche...

Ryuku, fidèle à lui-même. J'eus un sourire. Décidément, même si on ne traîne pas souvent ensemble, je l'apprécie bien. J'allais lui répondre quand une voix accompagnée d'un signe de tête m'interrompit.

« Salut Ryuku. »

Il s'agissait d'une fille d'à peu près mon âge, aux traits typiquement asiatiques, aux cheveux noir de jais et aux yeux d'une couleur étrange, quelque part entre le violet et le rouge. Des lentilles de contact ? Elle était vêtue de noir et je me demandais distraitement si elle n'avait pas chaud, dans cette tenue. Ryuku se tourna vers elle avec un temps de retard, comme s'il rechignait à l'observer. Il y eut un léger temps de flottement durant lequel je me demandais ce que je faisais là, puis il lui répondit.

« ... Salut Yukari. »

Sa réaction était étrange... S'était-il passé quelque chose ? Je ne me sentais pas à l'aise. J'aurais voulu savoir ce qu'il éprouvait mais d'un autre côté, je n'aurais probablement pas su trouver les mots pour le réconforter – si c'était de réconfort dont il avait besoin. Ryuku est un garçon complexe, à prendre avec des pincettes. Je l'avais déjà vu entrer dans une colère noire qu'on ne soupçonne pas au premier abord, tellement il est froid et détaché. Je ne veux pas faire de faux pas avec lui et risquer de m'attirer ses inimitiés. Il ne s'est jamais ouvert à moi – mais il ne semble pas être du genre à s'ouvrir tout court. Il semble y avoir dans son passé d'horribles évènements... Que je ne veux pas connaître. Autant pour moi que pour lui.

Mais j'ai déjà entendu parler de cette Yukari. Serait-ce celle dont m'a parlé Alenaë ? Elle correspond à sa description physique mais je l'imaginais moins petite – ou plus grande, selon le point de vue. Je n'ai pas tout compris à ce que ma sœur m'a raconté, mais j'ai retenu qu'elle était altruiste et agréable. Comme moi... ? Je voudrais aider les gens dans le besoin. Peut-être est-ce ce que Yukari a voulu faire, aider Ryuku, et il ne sait comment réagir. Peut-être... Je l'ignore. Au fond, est-ce que ça me regarde vraiment ?

Dans tous les cas, elle s'éloigna après avoir légèrement tapoté l'épaule de mon – notre – ami. Du coin de l'œil, je la vis s'installer un peu plus loin et sortir de son étui une belle guitare. Puis je me rappelai soudain la présence d'Elizabeth et la question de Ryuku.

« Je ne sais pas vraiment », dis-je après un temps de battement, « mais je crois que la plupart des filles ont vu quelque chose ou quelqu'un qu'elles ont jugé intéressant. Du coup, j'en ai profité. Ce jour est à marquer d'une pierre blanche, moins de cinquante personnes dans la salle... »

… Non, décidément, les traits d'humour ne sont pas faits pour moi.

« Au passage », repris-je en désignant la petite fille assise à côté de moi, « voici Elizabeth Levinson. »
Il s'en fiche probablement, mais je préfère ne pas la mettre de côté, d'autant que c'est un peu moi qui l'ai emmenée ici...

Pour un peu, je préférerais m'enterrer vif sous le sol. Loin, très loin. Elle m'a souri, m'a donné une tape sur l'épaule et s'est éloignée. Uh. Et ... Merde, je fais quoi, moi ? Je fais comment ? Je triturai nerveusement le coin de ma partition - elle m'avait rien demandé, cette pauvre feuille en plus ... parfois, je me demande si c'est normal que je plaigne plus une feuille de papier qu'un être humain ... -, fixant vaguement le mur en face de moi en me demandant ce que j'allais bien pouvoir faire, lorsque la voix d'Arwen me ramena brusquement sur Terre.

« Je ne sais pas vraiment, mais je crois que la plupart des filles ont vu quelque chose ou quelqu'un qu'elles ont jugé intéressant. Du coup, j'en ai profité. Ce jour est à marquer d'une pierre blanche, moins de cinquante personnes dans la salle ... »

J'hochai légèrement la tête. A chaque fois que je passai devant cette salle, je me demandai si c'était possible d'insérer ne serait-ce qu'on crayon entre les gens qui se bousculaient à l'intérieur. C'est jamais calme. Bordel mais on est pas dans une salle de concert ... Tout ça à cause d'eux. Si. A cause de cette petite dizaine d'élèves supra-populaires que tout le monde connaît sauf moi et quelques autres paumés à la vie sociale inexistante. Je sais que cette salle de musique est un lieu public mais quand même, faut pas déconner, ils sont pas obligés de ramener leur fan-club à l'intérieur de cette salle. Déjà qu'on a du mal à s'entendre avec juste les musiciens, mais avec les cris hystériques des groupies, c'est pire ...

« Au passage, voici Elizabeth Levinson. »

Mon regard glissa du coin de la partition que je malmenais vers la fille assise à côté d'Arwen. Elizabeth Levinson ... Son nom me dit quelque chose. Genre, je crois que quelqu'un m'en a parlé. Je sais plus trop qui. Sans doute un ou une abrutie lambda. Ou alors, c'est Truc, là. Avec les cheveux rouge pétant. Qui aime parler, parler, parler, me faire chier, parler, me faire chier, parler, m'emmerder. Surtout m'emmerder avec son grand sourire béat. Il a trop forcé sur le Colgate, lui ...

« Bonjour... »

Je la dévisageai encore quelques instants avant de revenir à ma partition.

« Uhn, salut. »

C'était pas comme si je pouvais répondre autre chose ... Vous vous attendiez à quoi, à ce que je hurle un "NICE TO MEET YOOOOOOOU, BABE" ? Je soupirai légèrement - soupir adressé au monde entier - et me mis à me balancer sur ma chaise. Ça serait simple si on pouvait se sortir tous les problèmes de sa tête, comme ça, d'un seul coup. Tu plonges ta tête dans l'eau froide et pouf, plus rien. Pourquoi y aurait pas un savant fou qui inventerait une machine à bouffer les idées noires ?

« ... Dites, j'ai envie de changer un peu mes habitudes. Ça vous dirait de jouer un truc ensemble ? » lançai-je à mi-voix.

Je me tournai vers ... merde, déjà oublié son nom. Euh ... la petite assise à côté d'Arwen.

« Si tu sais pas jouer d'un instrument, tu pourras toujours marquer les temps. »

Puis je jetai un oeil vers Yukari, qui jouait dans son coin. Est-ce que je prends le risque d'aller lui demander ou ... Arg ... Vie de merde.

( HRP : Eli', dis pas n'importe quoi, c'est moi qui ai bloqué avec mon absence "8D *meurt* )

« Bonjour... »

La timidité légendaire d'Elizabeth. Elle est trop adorable. Ne t'inquiète pas, va, Ryuku est particulier mais je suis persuadée qu'il a un bon fond et qu'il te le prouvera.

« Uhn, salut. »

Fidèle à lui-même. Remarque, il l'a quand même dévisagée un petit moment. Peut-être qu'ils se connaissent. Ce serait amusant. Il revint pourtant rapidement à sa partition sans plus se préoccuper d'elle. J'eus un petit sourire. Ce serait vraiment fabuleux s'ils pouvaient bien s'entendre et se lier d'amitié. Je grattai pensivement deux ou trois cordes de ma harpe, mon regard glissant sur sa feuille. Un titre en anglais, tiens, il sait donc lire les caractères latins ? J'eus un petit pincement au cœur. J'ignorais tant de choses sur Ryuku. Pouvais-je réellement me prétendre son amie ? D'un autre côté, il n'est pas du genre à se livrer et je n'oserai jamais lui demander des renseignements qu'il ne veut pas partager. C'est quelqu'un de très secret. Et je ne veux pas prendre le risque de gâcher notre amitié par curiosité.

« ... Dites, j'ai envie de changer un peu mes habitudes. Ça vous dirait de jouer un truc ensemble ? »

Je relevai la tête. Vraiment ? Il est sérieux ? Mon sourire refleurit. Cela me faisait vraiment plaisir qu'il pense aux autres ainsi. J'aimerais tellement qu'Alenaë en fasse autant...
J'allais répondre avec enthousiasme quand il jeta un regard en coin derrière moi. Je me retournai doucement et avec le plus de discrétion possible. Peine perdue. La dénommée Yukari – il faut vraiment que je sache qui elle est vraiment – se levait et s'avançait vers nous.

« Est-ce que... je peux me joindre à vous ? Ou... »

J'hésitai. J'avais bien envie d'accepter. Elle tenait une guitare à la main, ce serait intéressant de la coupler avec le piano de Ryuku. D'un autre côté... Il semblait se passer quelque chose entre elle et Ryuku, et je ne veux pas m'en mêler. Cela ne me regarde pas. Mais après tout, n'est-ce pas lui qui lui a jeté un regard ? J'ignore ce qu'il s'est passé entre eux, je ne peux donc pas juger la situation. J'inspirai et pris ma décision.

« Cela ne me pose pas de problème », affirmai-je en souriant. « Je m'appelle Elthileën Arwen Aldarión, mais appelle-moi Arwen. Je joue de la harpe, du piano et de la flûte. »

Je me tournai vers Ryuku.

« Tu as une idée de musique qu'on pourrait jouer tous les trois ? »

Malgré tout, je n'ai pas une si grande culture musicale que ça... Disons que je n'ai pas beaucoup de partitions sur moi. J'ai toujours tendance à chercher à l'oreille.

[HRP : C'est parti pour The Emerald Sea ? Avec Ryu' au piano, Yukari à la gratte et Arwen à la flûte ?]

« Est-ce que...je peux me joindre à vous ? Ou... »

Incroyable mais vrai, le message subliminal est passé ! Attends mais attends, c'est pas possible ... Dans cinq secondes, va y avoir un quiproquo énorme. Je le sens.. JE LE SENS. C'est trop facile. C’est pas normal. D'habitude, y a toujours un truc pour me bousiller la life et la foutre en l'air. TOUJOURS. C’est la règle n°36. "Il y a toujours pire que ce que vous avez vu", je cite. Et étant donné que j'en ai déjà vu des vertes et des pas mûres - EUPHÉÉÉÉÉÉÉÉMISME -, je crois que j'ai le droit de m'attendre au pire. Nan, j'en suis même sûr. Très sûr.

« Cela ne me pose pas de problème, je m'appelle Elthileën Arwen Aldarión, mais appelle-moi Arwen. Je joue de la harpe, du piano et de la flûte. »

MAIS VAS-Y QUE TU ME DOUBLES. Herm. On se calme. C'est bien de péter son câble de temps en temps, mais quand on s'énerve 24 heures sur 24 et pour rien du tout ... C'est vachement moins cool. Et vachement moins classe, aussi.

« Tu as une idée de musique qu'on pourrait jouer tous les trois ? »

J'acquiesçai et me remis à farfouiller dans mon lutin.

« Oui mais faut que je la trouve ... » marmonnai-je avant de lever brièvement la tête vers Yukari. « T'as qu'à t'installer pendant ce temps. »

C'est là que j'ai oublié la partition quelque part. Dans la chambre, par exemple. Ça me soûlerait de devoir aller péter jusque là-bas juste pour ramener cette feuille mais c'est pas comme si j'avais une idée précise de quelle autre musique jouer. Et puis surtout, ça voulait dire que j'allais devoir m'immerger de nouveau dans la foule ... Qui dit foule dit peu d'espace. Alors là, non. NON NON NON NON. Je feuilletai donc mon lutin qui était on ne peut plus désordonné - feuilles volantes, annotations, griffonnages dans les marges, et j'en passe -, en empêchant les feuilles cornées de s'échapper pour tomber par terre - oh my, je crois bien que je vais finir par prendre une bonne résolution, celle de ranger ce truc ... - avant de finalement exhumer triomphalement celle que je cherchais.

« Voilà, The Emerald Sea ver. 2 de MASA. A la base, c'est pour piano, guitare et violon, mais on peut transposer pour l'adapter, c'est pas trop trop difficile comme partition ... Vous en pensez quoi ? » déclarai-je en leur tendant la feuille.

Normalement, c'est faisable et c'est pas trop emmerdant vu que ce sont des instruments qui couvrent une assez bonne amplitude au niveau des notes et on a pas besoin de changer les notes comme avec les cuivres. Ça devrait aller. J'eus une pensée pour l'autre fille, celle qui n'avait pas d'instruments et tournai légèrement la feuille vers elle pour qu'elle puisse la voir. Disons que je sais que c'est désagréable de devoir jouer les pots de fleurs. Et encore, un pot de fleurs, on peut y accorder de l'attention, suffit d'aimer les fleurs. Autant de présence d'un mur, on va dire. Ou que l'homme invisible. Ça doit être vachement chiant, quand même, d'être invisible. Certes, tu fais ce que tu veux, mais être ignoré tout le temps, ça me plaît pas des masses ... Après, y a peut-être des débiles à qui ça plairait, j'en sais rien ...

( HRP : OUIIIII THE EMERALD SEA *O* )

Il opina du chef et plongea dans les profondeurs de son lutin. Il devrait le ranger, de temps en temps, ce serait plus pratique.
C'est étrange. Parfois, quand je reste avec Ryuku, j'ai l'impression de voir Alenaë. Ils n'ont pourtant rien en commun... Enfin, qu'en sais-je ? Plus je le regarde et plus je comprends que je ne sais rien de lui. J'aimerais tellement en savoir plus... Mais je ne sais pas. Depuis la mort de mes parents, j'ai tendance à voir en chaque personne que je crois un passé monstrueusement atroce. Et je n'ose plus poser de questions.

« Oui mais faut que je la trouve ... T'as qu'à t'installer pendant ce temps. »

Et elle, qui est-elle ? J'ignore tout d'elle. Je ne connais même pas son nom complet. J'ai simplement compris qu'elle est une personne importante pour Alenaë. J'espère qu'elle est digne de confiance. Inconsciemment, j'étais méfiante à son égard. Alenaë a déjà tant souffert... La dernière fois qu'elle s'est profondément liée à quelqu'un, ça s'est mal terminé. Je me promis de faire rapidement plus ample connaissance avec Yukari.

« Voilà, The Emerald Sea ver. 2 de MASA. A la base, c'est pour piano, guitare et violon, mais on peut transposer pour l'adapter, c'est pas trop trop difficile comme partition ... Vous en pensez quoi ? »

Je tendis le cou pour la regarder. Oui, ça m'a l'air faisable... Et beau. Je vais laisser le piano à Ryuku et adapter le violon à la flûte. J'aurais juste les doubles cordes en moins.

« Pas de problème pour moi, je connais le morceau, ça devrait pas être bien difficile. »

Elle connaît le morceau ? Ce doit être quelque chose d'assez célèbre. Je souris.

« Aucun problème non plus », répondis-je gaiement. « Je vais jouer à la flûte. Deux secondes, je vais la chercher et je reviens. »

Je me levai et partis en direction de mon casier, où j'avais l'habitude de ranger mes instruments. J'en sortis ma flûte traversière et retournai m'installer, songeuse. J'avais essayé plusieurs fois de convaincre Alenaë de jouer d'un instrument, sans succès. Peut-être le chant ? A vrai dire, je ne l'ai pas entendue chanter depuis une éternité, à tel point que je ne me souviens plus du timbre de sa voix. Je vérifiai que les notes étaient justes puis me lançai dans le déchiffrage visuel de la partition. Après l'avoir lue une ou deux fois, je savais à peu près à quoi m'attendre. Je me tournai vers mes camarades.

« On commence ? »

[HRP : Désolée pour le retard monstre ;w;]

« Pas de problème pour moi, je connais le morceau, ça devrait pas être bien difficile. » déclara Yukari.

Ah ? … Sérieux ? Bon, ça devrait pas m’étonner, Narcissu, c’est le genre de jeux qui lui correspondrait bien, mais c’est pas tellement connu, je crois ? De toute façon, je n’ai pas à me plaindre, ça m’arrange plus qu’autre chose qu’elle connaisse la partition. C’est toujours plus pratique quand on est moins sur une seule partition. Le pire, c’est la galère d’un seul pupitre pour trois guitares : et vas-y que je te fous le manche dans l’œil, et un coup de coude dans les côtes pour faire bonne mesure ! Et encore, ça, c’est quand tu fais pas tomber le pupitre en le bougeant pour mieux voir. Amen.

« Aucun problème non plus. Je vais jouer à la flûte. Deux secondes, je vais la chercher et je reviens. »

Mais comment elle fait pour respirer l’enthousiasme comme ça ? Bon, d’accord, j’ai déjà encore plus enthousiaste, mais là, c’était flippant. Vous voyez qui c’est ? Siiii, la fille là, la petite – je veux dire, encore plus petite que moi pour son âge -, avec les cheveux à la Hermione dans Harry Potter, des yeux de magical girl qui brillent tellement qu’on dirait qu’elle a des DEL à l’intérieur et qui se fringue comme si elle allait à la gay pride. Sérieusement, je commence à penser qu’il va falloir inventer une loi sur le quota de trucs flashy qu’on peut porter sur soi, et je sais pas ce qu’elle prend, mais c’est de la bonne. Elle est jamais fatiguée et elle trouve toujours le moyen de gueuler des conneries super fort. J’ai frôlé la crise cardiaque plus d’une dizaine de fois en sa présence parce qu’elle s’était soudain mise à hurler sans prévenir. C’est pas possible …

Hum, bref. Je m’égare. Arwen avait eu le temps de prendre sa flûte et de revenir s’asseoir pendant que je faisais ma réflexion sur le surplus de joie de vivre de certains. Elle est douée, donc je ne pense pas qu’elle aura vraiment du mal à déchiffrer cette partition, d’autant plus qu’elle n’est pas trop difficile. Je crois même qu’elle est jouable à l’oreille … Enfin bref. Encore une fois, je divague, je divague. Je sais pas me concentrer en fait, c’est viscéral. J’ai toujours besoin de penser à deux choses à la fois. Je dois pas être normal. Dans le mauvais sens du terme.

« On commence ? »

Je jetai un regard à Yukari, qui n’avait pas vraiment l’air d’avoir de gros problèmes de son côté – si c’est le cas, elle peut toujours se manifester, donc voilà – et acquiesçai silencieusement en faisant distraitement craquer les jointures de mes doigts. Ça faisait juste une éternité que je n’avais pas joué avec quelqu’un. Alors qu’à la base, c’était pour ça que j’avais commencé. Ça me fait bizarre, quoi … Mais il n’y a pas de mal à changer un peu ses habitudes, non ?

« Ah… Heu, vous voulez garder la fenêtre ouverte ou… ? »

Je redescendis brusquement sur terre en entendant ça. Oh God. Si tu veux la fermer, ferme-la, personne s’en plaindra, il fait pas chaud, ça évite les courants d’air et on entend pas les gens gueuler, donc voilà ! La question m’agaçait un peu dans la mesure où ça n’avait aucune importance que la fenêtre soit fermée ou pas. Et de toute façon, quand il y a deux personnes avec l’une qui a chaud et l’autre froid, généralement, celle qui a chaud doit se la fermer et laisser celle qui a froid faire ce qu’elle veut. Mon absence d’objection traduisit mon désintérêt pour la question pendant que je retournais à mon clavier. J’allais commencer à jouer lorsque je me souvins brusquement que jouer seul et jouer en groupe, c’était pas la même chose. Quand on est tout seul, on commence quand on veut. Quand on est plusieurs, c’est éventuellement pas mal qu’on laisse les autres se préparer en comptant les temps au début pour donner le tempo … Je me repris, interrogeai les deux autres du regard, et n’entendant aucune protestation, je m’éclaircis un peu la gorge avant de lancer un « 1, 2, 3, 4 » qui manquait un peu d’assurance – ce qui me donne l’air parfaitement con, VDM -.

Et mes doigts commencèrent à courir sur les touches, retrouvant cet univers qui m’était tellement plus familier que la réalité que je haïssais tant, un univers où j’avais mes marques, où je savais exactement où j’allais.

( HRP : Les carottes sont oranges, les aubergines sont violettes, les escargots n'ont pas de pattes, j'ai fait un truc qui pue mais je l'assume, la vie est beeeeelle \o/ *court dans un champ de pâquerettes* )

Yukari acquiesça tandis qu'Elizabeth se levait et fermait la fenêtre.

« Ah… Heu, vous voulez garder la fenêtre ouverte ou… ? »

Je lui adressai un sourire, lui signifiant que c'était parfait ainsi. Elle était vraiment gentille, le bien-être de ses compagnons lui tenait à cœur et elle faisait toujours des efforts pour que tout le monde soit satisfait. Je me calai bien en face de la partition, portai ma flûte à mes lèvres et attendis le signal de Ryuku qui ne tarda pas. Le piano commença, et je me fis la réflexion que Ryuku paraissait... absorbé par la musique. Lui qui était d'ordinaire si réservé semblait s'exprimer à travers son instrument. Je... Depuis l'incendie, j'ai parfois l'impression d'avoir une sensibilité exacerbée. C'est peut-être quelque peu me vanter, et je me trompe probablement, mais de temps en temps, je ressens une souffrance chez Ryuku. Je me fais probablement des idées... Mais ses yeux peuvent être si... sombres, si vides. La même absence d'éclat existe dans les prunelles d'Alenaë. Et... je ne supporte pas de voir les gens souffrir sous mes yeux, sans être capable de les aider... ça me rend malade.

Ce fut ensuite mon tour de jouer, tandis que le piano poursuivait sa mélodie. La musique m'était inconnue et, si elle offrait quelques difficultés, elle n'était pas insurmontable. Yukari finit par se joindre à nous et je m'appliquai à ne pas recouvrir le son de sa guitare par celui de ma flûte ; c'est l'un des inconvénients des instruments à vent, ils jouent particulièrement fort. Je réussis à m'en tirer sans dommage.

J'ai parlé tout à l'heure du fait que le morceau m'étant inconnu, je devais faire très attention. Mais ce n'est pas tout. Cette musique aux aspects nostalgiques fit remonter des souvenirs à la surface. Mon cœur se serra lorsque je visualisai cette photo de famille, où nous étions tous les six devant le sapin qui ornait notre salon, lors de notre dernier Noël. Ma gorge se fit sèche et je refoulai courageusement les larmes qui menaçaient de courir sur mes joues. C'est du passé. C'est terminé. J'ai réussi à tourner la page, alors je ne dois pas faiblir à nouveau. Les larmes restèrent bien sagement dans mon corps.

La musique s'arrêtait progressivement et je reposai mon instrument en prenant une grande inspiration, gratifiant mes camarades d'un faible sourire. Je ne me sentais tout de même pas très bien... Mais je ne pouvais pas fondre en larmes ainsi, devant eux – ni même fondre en larmes tout court... Si moi aussi je m'effondre, comment fera Alenaë ? Je suis l'un des seuls piliers qui la maintiennent encore debout, à défaut d'être droite. Je rendis sa partition à Ryuku et réalisai que mes mains tremblaient. Oh, c'était léger, rien de grave, mais cela me fit prendre conscience que j'étais plus marquée que je ne voulais le penser.

« Il est superbe, ce morceau », commentai-je. « Je penserai à écouter la version originale. »

Elle devait être magnifique... S'il y avait du violon à la base, ce devait être très beau.

( HRP : Bwaaah, désolée pour le retard, j'avais pas la foi >.< )

Si je voulais mourir, j'irais dans la mer. Je me glisserai dans l'eau, doucement, avant de m'en aller. Parfois, je me demande si quelqu'un m'arrêterait. Si quelqu'un s'arrêterait pour aider, pour stopper cette personne qui n'est plus de ce monde. C'était ce qu'elle pensait, à ce moment-là, à cet endroit. Setsumi. La deuxième protagoniste du jeu dont est tiré la musique que je- que nous sommes en train de jouer. Quelque part, Setsumi, c'est moi. C'est ce que je serais devenu si j'étais resté là-bas, entre ces quatre murs blancs avec pour seule ouverture sur le monde, cette fenêtre toujours fermée, verrouillée.

On a tous un ou plusieurs morceaux qui sont spéciaux, parce qu'ils nous ressemblent, parce qu'ils nous font écho, parce que nous y faisons écho. The Emerald Sea, c'est une musique qui restera toujours particulière pour moi. Parce que ces questions qu'elle se posait, au moment où cette musique était jouée, ce sont celles que je me posais. Que je continue encore à me poser. Si bien que lorsque je suis arrivé à cette scène, j'y suis resté pendant dix bonnes minutes, à littéralement m'immerger dans la musique en m'imprégnant de ces quelques mots à l'écran, blancs sur fond noir.

Ce fut donc comme un réveil brusque lorsque je revins à la réalité, presque expulsé de ce monde. A regrets. Les notes de musique ont toujours été plus simples à comprendre que les mots. Mon regard se perdit une nouvelle fois sur le mur d'en face tandis que mes pensées dérivaient à nouveau, avant que je ne secoue légèrement la tête. Il fallait que j'arrête d'y penser, c'est tout.

« Il est superbe, ce morceau. Je penserai à écouter la version originale. »

Mon regard glissa vers Arwen. Voilà. C'était ça. Ne plus y penser. Je saisis la partition qu'elle me tendait en acquiesçant silencieusement - quiconque aurait dit le contraire aurait été un troll de la pire espèce -. ... Ses mains tremblent. C'est l'émotion ... ? Ou est-elle dans le même cas que moi : ce morceau lui rappelle quelque chose, est lié à quelque chose qu'elle connaît ? Je la regardai encore quelques instants, avant de détourner le regard pour ranger la feuille dans mon porte-vues.

Si Dieu existe, il n'a été clément avec personne, ici. Rares sont ceux qui peuvent se vanter d'avoir tout eu. On dit que le monde n'est rien d'autre qu'un carnaval dans lequel les gens dansent pour l'éternité, en cachant leur douleur derrière un masque riant. J'ai souvent l'impression que cette métaphore a été créée spécialement pour ce pensionnat. Un secret pour chacun, une ombre dans chaque lueur et des faux-semblants qui se jouent de tout le monde. C'est vraiment pas facile de comprendre les autres, eh ...

« Cette musique était vraiment magnifique … dites vous sauriez jouer Mosaic Role par hasard ? »

Hein ? De qui ? De quoi ? ... Ah. C'est vrai. Il y avait une quatrième personne. Je lui suis d'ailleurs assez reconnaissant, pour sa discrétion. Au moins, elle a eu la présence d'esprit de ne pas applaudir et de crier en s'agitant dans tous les sens ... Mosaic Role, uh ? De DECO*27 ?

« Ah… excusez-moi… »

J'agitai ma main droite de droite à gauche, signe que c'était bon, je laissais passer. Après tout ... c'étai vrai que la musique, si j'avais commencé par en écouter pour passer le temps, je ne m'étais mis qu'à jouer que parce que c'était un moyen comme un autre d'essayer de renouer des liens avec ces personnes qui m'oubliaient, m'abandonnaient. Au fil du temps, j'avais appris à aimer ça, à aimer produire ces harmonies. Mais le but premier, c'était bien de jouer pour quelqu'un. La musique ... je sais pas. C'est différent pour tout le monde. Selon moi, c'est un moyen d'expression. Faire sortir ce qui reste à l'intérieur, ce qui ne peut pas être dit. Donc c'est quelque chose de partagé ? Un truc du genre.

« Si tu parles de celle de DECO*27, moui, je pense. Je sais pas si j'ai la partoche sur moi, par contre ... » répondis-je distraitement, en triturant encore le coin d'une autre feuille - maintenant, on sait pourquoi mes partitions sont toutes légèrement chiffonnées aux coins ... -.

Après, il y a ce moment. Ce moment où tout s'arrête, où tu redescends sur Terre, alors que tu aurais préféré jouer pendant des années, et des années, sans jamais penser à rien d'autre, sans jamais faire autre chose que d'utiliser ton corps pour créer la bande originale de ta vie.

« Il est superbe, ce morceau. Je penserai à écouter la version originale. »

J'eus un léger sourire. Ah, combien de fois avais-je pleurer devant ce kinetic novel, je ne compte même plus … C'est une histoire tellement triste, on a l'impression de voir les choses différemment après l'avoir terminée. Ce n'est pas très clair, mais c'est un peu comme ça que je l'ai ressenti, sur le coup. Comme si tout était devenu … Plus gris, plus froid, moins vivant. C'est quelques secondes où tu ressens un vide, comme s'il te manquait quelque chose d'important, en ne sachant pas ce que c'est. Cette impression où tu penses que tout va se terminer, maintenant, que tes larmes coulent sans savoir pourquoi, pourquoi ce vide est si présent, si douloureux, et qu'il te fait souffrir. C'est dans ces moments-là qu'on se remet en question, « Ai-je bien fait de lutter pour continuer à vivre ? », « Ai-je vraiment fait le bon choix, de rester ici ? », et qu'on se sent incroyablement … seul.

« Cette musique était vraiment magnifique…dites vous sauriez jouer «Mosaic Role » par hasard ? »

Je levais la tête vers Elizabeth, lui adressant un petit sourire. Elle semble tellement … innocente. Même si cela n'est peut-être qu'une façade, j'aurais tant aimé garder une telle innocence. Cette façon d'être qui ressemble légèrement à de la naïveté, de toujours prendre ce qu'on dit et ce qu'on voit du bon côté, de voir le monde d'une manière tellement simple que ça en semble presque évident, j'aurais tant aimé être comme ça …

« Ah…excusez-moi…. »

J'articulais un « Tout va bien.  » assez silencieux, en lui souriant. Il n'empêche, l'ambiance qui n'était pas des plus … joyeuses me donnait une irrésistible envie de déballer les premiers accords de Children Record. Allez savoir pourquoi, peut-être pour redonner un peu plus de … peps ? Sauf que jouer quelque chose en solo d'un coup, comme ça, sans prévenir, c'est pas sympa. Pour les autres je veux dire, en plus, on vient de jouer ensemble, alors c'est encore moins sympa. Au final, je me contentais de taper le rythme avec le pied, essayant de focaliser toutes mes pensées sur autre chose.

« Si tu parles de celle de DECO*27, moui, je pense. Je sais pas si j'ai la partoche sur moi, par contre ... »

Hn ? Mosaic Role ? DECO*27 ? Quoi quoi quoi ? Je me donnais une baffe mentale, insultant discrètement mon sens de l'attention plus que médiocre à ce moment-là. Jusqu'à ce que mon portable sonne. Génial. J'eus un sourire légèrement gênée, et marmonnait diverses choses pour maudire celui ou celle qui me contactait maintenant. Sauf que c'était pas un appel, mais une alarme. Oui parce que Killer Song, c'est pas ma sonnerie, bref. J'ai mis une alarme pour savoir à quelle heure je devais aller me prendre des taiyakis … Depuis QUAND j'ai mis une alarme pour ça ? Je fixais mon écran, avec une légère incompréhension. Ma logique m'échappe … Mais c'est vrai que j'ai faim. Je passais la lanière de ma guitare par dessus ma tête, et la posais doucement contre la chaise, me levant en même temps.

« Hm … Je reviens, je vais juste … Bah, c'est que j'ai un peu faim, en fait. »

Moi ? Un estomac sur pattes ? Mais pas du tout ! … Enfin peut-être un peu. Je me dirigeais vers le seuil de la porte, avant de me stopper net, et de me tourner vers les autres.

« Vous voulez quelque chose ? J'ai des taiyakis et des pockys si ça plaît à quelqu'un. », déclarais-je en souriant.

J'ai peut-être même des onigiris, à moins que je les ai mangés la dernière fois ... J'sais plus ...

( HRP : PARDON. JUSTE. DÉSOLÉ. Si quelque chose ne va pas, vous pouvez vous manifester. o7 )

« Cette musique était vraiment magnifique… dites vous sauriez jouer « Mosaic Role » par hasard ? »

Je jetai un regard intrigué à Elizabeth. Mosaic Role ? Non, pas du tout. Décidément, j'étais très ignorante niveau musique. Je pense qu'Alenaë la connaît... Elle connaît tout, de toute façon, haha. J'abandonne les blind-tests contre elle, c'est tout simplement impossible... Que ce soit de l'anglais, du japonais, du norvégien, elle me bat à plates coutures. Et idem pour Ilfa'... Enfin. Je me demandais quel style de musique Elizabeth appréciait. J'avoue que je n'en ai absolument aucune idée. Ça craint un peu...

« Ah…excusez-moi…. »

Je lui souris d'un air rassurant. Elle n'avait pas à s'en faire... Elle était trop mignonne. Si la partition s'accordait à la flûte, à la harpe ou au piano, pourquoi pas ? Mais il me fallait la partition, justement.

« Si tu parles de celle de DECO*27, moui, je pense. Je sais pas si j'ai la partoche sur moi, par contre … »

Tiens, Ryuku connaissait aussi. Je suis vraiment inculte... Du coin de l'œil, je remarquai Yukari qui s'agitait un peu. Elle allait bien... ? Son pied tressautait nerveusement, comme si elle était perturbée par quelque chose. Je m'inquiétai légèrement. Elle n'a pas de problème de santé, n'est-ce-pas ? Brusquement, elle se leva et déclara d'une voix détendue :

« Hm … Je reviens, je vais juste … Bah, c'est que j'ai un peu faim, en fait. »

J'eus un instant de blanc avant de laisser échapper un petit rire discret. J'étais vraiment stupide, en fait. Je m'étais inquiétée pour rien... Je soupirai doucement en recouvrant un calme relatif.

« Vous voulez quelque chose ? J'ai des taiyakis et des pockys si ça plaît à quelqu'un. », proposa-t-elle aimablement.

Des... quoi ? Je sais vaguement ce que c'est, je crois. Les pockys, c'est pas des genres de mikados ? Et les taiyakis... La vision d'un petit pain en forme de poisson fourré s'imposa à moi. Oh oui, c'est trop bon ce truc ! J'allais lever la main avec enthousiasme mais je m'en empêchai, me disant qu'elle n'allait peut-être pas apprécier que je pioche dans sa réserve. ... Oh, elle l'a elle-même proposé, non ? Je pense que je peux le lui demander... Enfin, on n'est pas très proches non plus. ... Je sais pas... Bon, je vais quand même lui demander, dans le pire des cas, je m'excuserai.

« Je veux bien un ou deux taiyakis, s'il te plaît... »

... Foutue langue japonaise. J'aurais tendance à l'appeler Yukari, normal, quoi... Je suppose qu'elle ne va pas apprécier. Vu qu'on ne se connaît que depuis aujourd'hui, je vais opter pour un...

« ... Shûzen-san. »

J'ai vraiment du mal à m'y faire... C'est tellement plus simple d'appeler tout le monde par son prénom. Enfin, ce n'est pas bien grave. J'attendis que tout le monde ait « passé sa commande » et me tournai finalement vers Ryuku.

« Est-ce que tu as la partition ? Je ne connais pas ce morceau... D'ailleurs, il est prévu pour combien d'instruments ? »

( HRP : Et dat fin en queue-de-poisson parce que je gère pas. Désolée du retard >< )

Pour une fois, je refusais l'offre de nourriture. Pas très faim et puis, j'ai l'impression que si je mange quelque chose, je vais le dégueuler dans la seconde. Très très classe. Pourquoi, la vie. Je me contentais donc de secouer la tête légèrement, ce qui eut pour effet de ramener quelques mèches de plus dans mon champ de vision. Faudrait peut-être que je me coupe les cheveux. Peut-être. Je repoussai ces quelques mèches, sans succès vu qu'elles revinrent immédiatement et laissai tomber.

▬ Est-ce que tu as la partition ? Je ne connais pas ce morceau... D'ailleurs, il est prévu pour combien d'instruments ?

J'haussai les épaules. Batterie, guitare, basse plus la voix par dessus. A moins qu'il n'y ait deux guitares ? Ça allait être dur à adapter ... Enfin bref. Peut-être que ça passerait si Yukari faisait la guitare, Arwen la voix à la flûte et moi la basse au piano ... ? Le mélange me paraît un peu bizarre. Je soupirai légèrement, tirai mon lutin vers moi en me mâchonnant machinalement la lèvre inférieure pendant que je me triturais les méninges pour voir comment on pourrait l'adapter et me mis à chercher les feuilles en question pour en avoir une idée.

Et soudainement, ma propre stupidité me frappa. Seule la partition pour piano était officiellement sortie et c'était donc la seule que j'avais. Pourquoi, la vie. Je soupirais une nouvelle fois et sortis mécaniquement la partition de sa pochette, en la parcourant des yeux. Oui, ça allait pas le faire. A moins qu'elles ne jouent que la partie en haut ... Uh, mais je vois pas comment ça sonnerait. Je visualisai un instant la mélodie puis fronçai les sourcils. Même si le piano était techniquement une percussion et qu'on la sentait toujours de ce fait, ça n'empêchait pas le fait qu'une des parties sera couverte par l'autre de façon un peu trop importante, d'autant plus que la partie du haut était aiguë. Avec une flûte, ça allait être encore plus audible, les sons aigus couvrent souvent les plus graves ... Je fronçai donc les sourcils en réfléchissant.

▬ Ça va être un peu dur de l'adapter ... A la base, il est prévu pour guitare électrique, basse et batterie, avec une voix par dessus mais comme seule la partition de l'arrangement pour piano est officielle, j'ai que celle-là, dis-je sur un ton d'excuse en tendant la partition à Arwen pour qu'elle en juge elle-même.

Le fait que Ryuku ne veuille rien m'inquiétait un peu. Pas qu'il mangeait sans arrêt, mais … Enfin, un peu quand même. Peut-être n'allait-il pas bien ? M'inquiétant petit à petit, c'est la voix d'Arwen qui me fit revenir sur Terre.

« Je veux bien un ou deux taiyakis, s'il te plaît... Shûzen-san. »

A ces mots, je sentis mes joues rosir un peu. Shûzen-san... ? … Eeeeeeeh ? C'est-à-dire que, bah … Malgré le fait qu'on ne se connaisse pas trop, les formalités de ce genre n'étaient pas vraiment nécessaires, je crois. Même si généralement, il y avait un certain code à respecter dans certains endroits, je ne pensais pas que c'était vraiment à prendre en compte ici. … Dans tous les cas, ça restait extrêmement gênant. Triturant les bords de ma jupe, alors qu'elle n'avait rien demandé, je baissais légèrement la tête. Et donc … J'étais sensé l'appeler … Aldarión-san. Ca faisait longtemps que je n'avais pas appeler quelqu'un par son nom de famille, ça me fait tout bizarre.

« Je voudrais bien quelque pockys, s’il te plait, Yukari-nee-san. »

Eh ? … Elles se sont alliées pour m'embarrasser ou pas ? Tandis que je rougissais un peu plus, je l'entendais s'excuser, faisant un signe tout aussi timide de la main comme quoi ce n'était rien. Après tout, ça arrive de … D'appeler les gens comme ça. Alors que je me torturais l'esprit à y penser, je pris conscience que j'avais perdu le fil de la conversation depuis pas mal de temps. Qu'était-il advenu de la proposition sur Mozaik Role ? Je soupirais intérieurement en sentant un léger mal de tête se pointer. J'ai faaaaaaim …

« Nee, tu veux que je vienne avec toi pour t’aider ? »

… Il y  a-t-il une âme pleine de bonté qui vient de me proposer son aide ? … Allez, inspire, expire, et arrête de raconter n'importe quoi. Je relevais la tête vers la petite voix qui s'était élevée, et lui sourit légèrement. Disons que je ne pensais pas refusé alors que c'était si gentiment demandé. Et que j'en avais bien besoin. … Mais j'aime pas me dire une chose pareille. J'attendais que Ryuku réponde à Arwen pour ne pas les couper, et me tournais vers Elizabeth en souriant, un peu gênée.

« Ehm, je veux bien, merci … Oh, et A … A-Arwen … Pas besoin de tant de formalités, c'est un peu embarrassant … », dis-je en me grattant timidement l'arrière de la tête.

Je m'inclinais légèrement, signe que j'allais m'éclipser, et fit un léger sourire à la personne qui allait m'accompagner, commençant à m'aventurer dans le couloir. Alors, résumons. Je devais prendre au moins deux paquet de Pocky, un paquet de Taiyaki … Et peut-être un troisième paquet de Pocky, au cas où Ryuku déclarait avoir faim. Yosh, allons-y.

( HRP : AWDHDZCUI. Je m'excuse platement pour ce long retard, je suis vraiment désolé. Q^Q
Pardon, vraiment. m(_ _)m *va se cacher* )

Yukari a l'air gênée... Mince, j'ai fait quelque chose de mal ? À tous les coups, je me suis plantée de suffixe. Ça doit être ça. Je pensais bien les connaître, je me suis visiblement trompée... Je vais aller m'excuser. J'allais me lever mais Elizabeth et elle se parlaient, je n'allais pas les interrompre... Je restai donc assise à ma place en reportant mon attention sur Ryuku, c'est la moindre des choses.

« Ça va être un peu dur de l'adapter ... A la base, il est prévu pour guitare électrique, basse et batterie, avec une voix par dessus mais comme seule la partition de l'arrangement pour piano est officielle, j'ai que celle-là. »

Je vois... Jetant un coup d'œil à la partition qu'il me tendait, je constatai qu'effectivement, ça allait être difficilement faisable. Ryuku pourrait se charger du piano, mais si Yukari et moi faisons la même mélodie que lui, ça n'a pas grand intérêt... Hum... J'acquiesçai en silence et sursautai en entendant la voix de Yukari.

« Oh, et A … A-Arwen … Pas besoin de tant de formalités, c'est un peu embarrassant … »

Ah, mince, je le savais, je me suis trompée ! J'allais m'excuser platement mais elle partit trop vite et je n'eus pas le temps de la retenir, juste de leur adresser un signe de la main à toutes les deux. Zut... Bon, je m'excuserai à son retour, et la remercierai par la même occasion. Je pivotai vers Ryuku, réfléchissant à un moyen d'arranger tout ça. C'était difficile, c'est sûr...

« Hum... Je peux te l'emprunter deux secondes ? », demandai-je en désignant la partition.

J'attendis son assentiment et la plaçai à un pupitre que je baissai afin qu'il soit à la hauteur idéale. Je cherchai les notes quelques instants et finis par réussir à jouer le début de la mélodie. C'était largement faisable, si on n'excédait pas une certaine vitesse... Après m'être familiarisée avec la partition, je relevai la tête vers Ryuku.

« Ce qu'on pourrait faire, c'est toi au piano, Yukari à la guitare en jouant la partie du haut, ou ce qui l'arrange, et moi, je pourrais jouer en soutien au niveau de la harpe ou faire un second piano. Une octave plus haut, par exemple... Mais ce serait plus sympa à la harpe, je pense. », conclus-je en quêtant son approbation.

( HRP : Oui, je suis en retard. Mais c'est pour ça que vous m'aimez :D ♥ *fuit* )