Un léger sentiment d’excitation le fit frissonner. Ikki jeta un dernier coup d’œil à la ronde, histoire de vérifier que tout étant en ordre. Il n’était pas vraiment maniaque, plutôt méticuleux disons, et sa formation en médecine l’obligeait à garder ses affaires et son lieu de travail d’une propreté clinique.

Assis sur une chaise à roulette rembourrée anthracite, il se balançait doucement contre le mur, en se retenant d’une main au bureau métallique devant lui, vide à l’exception d’une lampe, d’un pot avec deux-trois stylos et de quelques classeurs attendant sagement en une pile bien disciplinée. Tournant la tête à droite, il put observer le bureau vide de sa collègue, qui n’était pas là. Heureusement d’ailleurs, si elle se doutait de ce qu’il trafiquait ici, elle ne l’avait jamais pris en flagrant délit non plus, ce qui expliquait sans doute qu’il puisse continuer ses petites affaires.

Impatient, il se leva, jeta un regard en direction de la porte d’entrée devant lui, puis se retourna et se faufila à l’arrière. L’infirmerie était extrêmement bien équipée, et comportait en outre une salle d’examen avec plusieurs tables pour les patients, une salle d’opérations emplis de chariots aux objets délicieusement contondants et une réserve. Il se servait de celle-ci pour ranger ses sujets d’expérience (entier ou en morceaux) dans des cages, bocaux ou encore dans l’énorme réfrigérateur qui servait aussi de morgue en attendant de disposer des corps lorsqu’un ‘accident’ survenait à Infinite World. Celui-ci était vide pour le moment.

Il déambulait entre les salles, perdu dans ses pensées, lorsqu’on frappa à la porte. Enfin. Il se retourna brusquement et se dirigea vers la source du bruit à pas mesuré. Entrouvrant d’abord la porte, il vérifia l’identité de la personne en face, avant d’ouvrir en grand. Lui adressant un sourire qui pouvait passer pour complice, comme pour un tas d’autres choses, il s’écarta pour le laisser passer, avant de refermer à clés et de laisser cette dernière sur le verrou, histoire qu’on ne puisse rentrer sans leur accord.

Bienvenue dans mon antre, Lewiss. Tu dois être le premier à y venir sans être dans un sal état maintenant que j’y pense, si on exclut l’infirmière et Arwen bien sûr.. Bref ! J’ai hâte de voir ton carnet. Même si je n’ai malheureusement que de faibles notions de français..

Lewiss. Le jeune leo avec qui il avait discuté lors du déjeuner, et qui lui avait semblé bien intéressant. Mais pour une fois cela ne rimait pas avec jeux tordus et victime. Quoique pour le jeu, tout restait à prouver tant que le rouquin n’avait pas ouvert son livre. Peut-être était-il aussi dérangé qu’Ikki, après tout. Lui tournant le dos, il l’entraînait vers le fond de l’infirmerie. S’arrêtant net, il se retourna vers lui.

Veux-tu boire quelque chose ? J’aime bien travailler sur la petite table de la réserve, mais si tu préfères un lieu plus accueillant, on peut aller à mon bureau. A toi de voir !

En effet, la réserve était assez glauque, mais bien éclairée, et surtout, Ikki trouvait la table bien plus facile à nettoyer et plus en retrait. En effet, écrire ses traités par exemple sur les effets de la douleur sur le comportement humain ne lui semblait pas très approprié devant une porte ouverte à tous les curieux. Et sous le nez de l’infirmière en plus. Alors que celle-ci ne fréquentait pas trop la réserve. Chacun avait leur domaine délimité, en quelque sorte.

En outre, ils disposaient chacun d’une grande armoire fermée à clés pour ranger leurs matériels différents, et il aimait avoir ses outils et livres à portée de main. Il hésita un instant à aller sortir deux trois choses de cette armoire, mais se retint. Tout dépendait de ce que Lewiss voulait. Et puis, il était bien plus impatient de découvrir ce qu’il avait à lui montrer, plutôt que l’inverse. Aussi il se contenta de le fixer, à mi-chemin de la salle d’opération, avec un petit sourire mi-figue mi-raisin.

A vrai dire, il ne savait pas ce qu’il ferait de Lewiss. Il n’avait jamais montré tous ses travaux, et les rares personnes qui en avait vu un morceau avait disparu dans des circonstances inexpliquées. Pour certaines, l’horreur et l’envie de le dénoncer leur avait été fatales, tandis que pour d’autres, leur trop grand intérêt envahissant, ou encore leur propre folie avait suffit. Il ignorait comment Lewiss allait réagir, et ce qu’il avait à lui montrer, et pourtant c’était sans doute ce qui déterminerai son espérance de vie.

Lewiss ne semblait guère plus bavard que la première fois, mais cela ne découragea pas Ikki, qui s’y attendait. Il était bien trop excité de découvrir ce que Lewiss avait à lui montrer pour s’en formaliser, d’autant plus que les gens muets ne le dérangeaient pas. Au moins ils ne faisaient pas trop de bruit. Et ils évitaient de sauter dans tous les sens comme certains hyperactifs et hyper énervants.

« La réserve me convient. »

Bon, ça avait le mérite d’être clair. Pas de boisson, pas de bavardages futiles et inutiles, allons direct à l’essentiel. Ikki se remplit tout de même un gobelet de café fumant sortant d’une cafetière allumée en permanence, comme il avait l’habitude de faire avant de se plonger dans ses études. Parce qu’il savait que ça allait lui prendre des heures, et ne souhaitait pas être dérangé, ni avoir à se lever sans cas d’urgence.

Il guida ensuite Lewiss jusqu’à la réserve, et l’observa en buvant une petite gorgée du liquide brûlant, tandis qu’il le voyait jeter des regards dans tous les coins. Ce qu’il vit dû lui plaire, puisque lorsqu’il se retourna, il souriait. Chose assez rare. Enfin pour Ikki du moins, il ne savait pas comment le rouquin se comportait avec ses amis.

« Il est évident que je ne vous montrerai absolument rien de ce qu'il y a dans mon carnet, tant que vous ne m'aurez pas prouvé ce que vous avez dit tout à l'heure. Je ne vous fais pas encore confiance. »

Toujours aussi direct. Non pas que ça le dérangea une nouvelle fois. Mais c’était un comportement qu’il n’avait pas souvent l’occasion de côtoyer, et il le savourait à sa juste valeur. Soit, il était temps de passer aux choses sérieuses. Attrapant sa blouse posée sur une chaise métallique de la réserve, il l’enfila d’un geste fluide, et lorsqu’il se retourna vers Lewiss, il n’y avait plus de trace de comédie ou de jeu. Juste la froideur d’un scientifique, qui voyait la vie d’un œil clinique. C’était sans doute la première personne à voir cette facette d’Ikki. Mais c’était aussi la première à pénétrer dans sa réserve d’Infinite World.

La confiance n’a pas sa place ici. Bien, je vais te fouiller, pour être sûr que tu ne pourras pas garder trace de ce que tu verras. Ensuite, j’aimerai que tu me montres des passages de ton carnet en français, mais aussi leur traduction en japonais. Ou anglais à la rigueur.

Sans lui laisser le temps de trop protester, Ikki lui écarta les bras, et le palpa, fouillant ses poches, cherchant un micro ou une caméra microscopique dans son col, ou tout autre endroit susceptible. Hors de question qu’il prenne le risque qu’une reproduction de ses travaux apparaisse. Une fois satisfait, il s’écarta, lui laissa quelques secondes pour se remettre en ordre, et se dirigea vers son placard. Celui-ci était fermé par un cadenas banal à chiffres, dont il fit la combinaison.

Le placard s’ouvrit alors, dévoilant son contenu aux occupants de la pièce. Le bas était consacré à toutes sortes de produits cliniques utilisés en opération, avec en plus une belle panoplie d’instrument chirurgical ou de torture, rangés dans des pochettes en cuir ou en métal rembourré. On y trouvait aussi les matériels chimiques les plus chers, le reste se trouvant sur une étagère dans la pièce par manque de place. Le haut était consacré aux produits chimiques placés sous verre, avec une combinaison numérique obligatoire. La vitre laissait observer les différentes étiquettes, mais ce qui attirait le plus était un coffre de taille moyenne, en plein milieu. Heureusement que l’armoire était métallique, sinon elle aurait depuis longtemps cédée sous le poids de la fonte.

« Je m'intéresse plus aux acides et au fonctionnement de l'électricité, ou tout ce qui est lié à ces deux choses. Mais si vous faites des trucs totalement différents, ça m'est égal. »

Ikki se plaça de manière à lui cacher ce qu’il faisait, et entra le code du coffre, qui s’ouvrit après un déclic. A l’intérieur se trouvait ce qu’il y avait de plus précieux pour lui. Des études scientifiques, mais aussi quelques petites choses personnelles, qu’il n’avait pas envie qu’on voit. Il attrapa trois gros classeurs à reliure bordeaux, les sortit, referma la porte prestement en la verrouillant, puis alla ensuite s’installer à la table. Effleurant du bout des doigts la reliure un moment, il se décida enfin à un ouvrir un, qu’il feuilleta jusqu’à arriver à un sujet qui l’intéressait. Il commenta alors.

Mon sujet le plus récent : recherche d’un neuropathique puissant. Toute la difficulté résidant dans le fait que le produit créé ne doit toucher que les nerfs. Test de différents dosages de zalcitabine, didanosine, métronizadole, isoniazide, vincristine et amioadarone . Après expérimentations sur souris, on remarque que l’actif est bien trop puissant, et endommage tous les tissus alentours, causant la mort du sujet invariablement. Essai en parallèle : supprimer la présence de vitamine B dans l’organisme, en implantant une maladie intestinale. Problème : ne peut être utilisé en cas d’interrogatoire, cause la mort neuronale au bout d’un certains laps de temps.

Ikki était passionné, et ça se sentait. Ce petit résumé, et la pile de feuilles qui appuyaient cette recherche reflétaient en partie les heures de travail passé à plancher là-dessus. Il n’avait toujours pas réussi à finir ce projet d’ailleurs, notamment à cause d’un problème de ventilateur –pour l’odeur- défectueux. Il changea de classeur, passant des recherches médicales aux recherches purement chimiques. Ouvrant le sommaire, il laissa son doigt suivre les lignes tandis qu’il cherchait une étude sur les acides.

Acide au sens d’Arrhénius, de Lewis ou au sens de Bronsted ?

Sans trop écouter ce que Lewiss répondait, ou ne répondait pas d’ailleurs, il réussit à trouver un vieux document traitant d’une étude d’acide.

Acide fluoroantimonique. HSbF6. Ça te dit quelque chose ? C’est le plus électronégatif des superacides. Capable de dissoudre pratiquement tout composé. Assez dur à former, instable dans l’eau, et non coordinant. Sans compter le matériel nécessaire à sa formation, du fait de sa création exothermique. Tu peux voir différents test effectués, sur différents types de matériaux et à différentes concentrations. Je ne sais pas si c’est le genre de sujet qui t’intéresses ?

Ikki lui laissa le temps de regarder quelques trucs, puis referma doucement le classeur, et regarda le jeune rouquin dans les yeux d’un air décidé. Il lui avait montré suffisamment de choses pour le moment, et ne lui montrerait rien de plus tant que ce dernier n’aurait rien dévoilé. Qu’est-ce qui lui disait que Lewiss avait des informations susceptibles de l’intéresser ? Rien. Mais il espérait que ce soit le cas, sinon le jeune homme risquait fort de ne plus jamais ressortir de sa réserve. Pour une fois que quelqu’un s’y rendait de son plein gré…

Tu en as assez vu pour le moment. A toi maintenant. Et n’oublie pas, c’est donnant-donnant.

De toute manière, si Lewiss le trahissait, il lui volerait également son petit carnet, qu’il semblait serrer sur sa poitrine. Enfin rien ne lui indiquait non plus qu’il ne s’agissait pas d’un leurre. Dans ce cas, en cas de trahison, il fouillerait toutes ses affaires, et interrogerait chacun de ses proches. On n’allait pas faire les choses à moitié, tout de même, non ?

Après sa petite démonstration, Ikki attendait maintenant que Lewiss montre de quoi il était capable. Complètement absorbé par la relecture de ses propres recherches, il n’avait pas remarqué quel sujet intéressait le plus le jeune Leo, ni si cela l’avait convaincu. Après tout, si Lewiss était un imposteur, il n’avait sans doute pas pu comprendre la majeure partie de ce qu’il lui avait dit. De toute manière, cela n’avait pas d’importance, parce que si Lewiss en était un, il ne sortirait tout bonnement pas d’ici.

Ce dernier parut d’ailleurs se rendre compte de la précarité de sa position, puisqu’au lieu de répondre, il avait jeté un œil vers la porte –verrouillée bien sûr, il ne manquait plus que quelqu’un s’invite à leur mini-congrès-, sur la table d’opération, puis vers « l’infirmier ». Nul doute qu’il était suffisamment malin pour avoir compris ce qu’il se passerait s’il n’était pas à la hauteur. Mais il le serait, sans doute, du moins c’était ce qu’indiquaient les données de son dossier. Et Ikki ne se trompait pas souvent. Dans le cas contraire, il était extrêmement déçu.

Le fameux carnet s’ouvrit ensuite, et bien que ce soit en français, langue que maîtrisait très mal Ikki, les formules chimiques étaient universelles, ainsi que le tableau périodique, il put donc comprendre que les premières pages traitaient d’acides, en lisant quelques équations. Il comprit alors que le Leo avait bien des connaissances approfondies là-dessus, mais aussi qu’il n’avait sans doute eu que peu d’intérêt en voyant ses propres pages. Quoiqu’il n’était pas certain qu’il ait pu avoir accès à l’acide fluoroantimonique, composé somme toute assez rare et extrêmement puissant. Lui-même n’en possédait que les composés permettant sa création à l’infirmerie.

Mais si la recherche sur les acides pouvait être intéressante, bien qu’un peu redondante, le sujet suivant suscita toute l’attention d’Ikki. Encore une fois, il se référa aux croquis, équations et quelques mots qu’il comprenait, avant de saisir que ça parlait des yeux du rouquin. Comme quoi il n’était pas le seul à s’en préoccuper. N’étant pas sûr que le rouquin  le laisserait revoir ces pages, il profita de sa grande mémoire visuelle pour mémoriser un maximum de données, que ce soit en français ou pas.

« Vous avez peut-être du comprendre que ces yeux ne m'appartiennent pas. On me les a greffé lorsque j'avais la quinzaine, donc il y a deux ans, et je cherche un moyen d'arrêter le rejet, puisque ces yeux sont considérés comme dangereux pour mon corps. »  

Il ne releva la tête qu’après avoir été certain de retenir le maximum d’informations, puis dévisagea Lewiss d’un air curieux. Ce dernier savait qu’Ikki avait montré de l’intérêt pour ses yeux, et voilà qu’il lui sortait tout ce qu’il avait dessus. N’avait-il pas peur de se vendre ? D’autant plus qu’ils étaient dans l’infirmerie, et qu’il suffisait de quelques mouvements pour que ce dernier se retrouve ficelé à la table opératoire.


« Ce ne sont que des théories. Je n'ai ni les instruments, ni les moyens pour faire ce genre d'expérience... Et plus de cobaye, accessoirement. »

Pas possible. Il le faisait exprès, non ? Ikki avait pas mal de matériel de pointe, et suffisamment d’argent et de contacts –connaître les petits secrets de tout le monde peut s’avérer fructifiant- pour posséder ce qui était nécessaire. Sans compter qu’il avait disséqué et réparé des centaines de gens durant son service militaire au dehors. Et que le cobaye, il l’avait devant lui. Réprimant un sourire carnassier, il se reporta à la nouvelle page que Lewiss venait de tourner, mais eu plus de mal à déchiffrer cette partie. Il s’agissait des théories, la plupart suite de mots français sans aucun indice pour lui. Zut.

Après une nouvelle séance de mémorisation intense, il se redressa et se permit quelques secondes de réflexion. Oui il pouvait s’occuper d’extraire les yeux du rouquin tout de suite, et les étudier plus tard. Seulement ça voulait dire que ce dernier serait aveugle pendant un moment, sauf s’il lui greffait d’autres yeux. Cela en valait-il le coup ? Pas sûr. Une  autre idée bien plus amusante –et sauve pour Lewiss- lui traversa l’esprit. Et si au lieu de faire lui-même les recherches, il laissait cela au Leo ? Histoire de voir un peu ses compétences à l’œuvre. D’autant plus qu’avoir sa coopération serait bien plus facile. En attendant, il décida de jouer presque franc jeu –parce qu’Ikki mentait toujours en permanence, par habitude-.

Soit tu as beaucoup de courage, soit tu es complètement inconscient de me montrer ça, dans mon propre labo. Qu’est-ce qui te dit que je ne vais pas être tenté de t’arracher les yeux, là, tout de suite après avoir lu ça ?

Son ton était curieux, pas très menaçant. Après tout, il avait déjà fait son choix. Sauf si l’autre refusait de coopérer bien sûr. Il savait qu’il n’aurait sans doute pas de réponse, mais c’était plus fort que lui. Il voulait savoir pourquoi Lewiss avait pris un risque aussi grand. Parce qu’il était sûr que ça l’intéresserait et avait pris le pari que la curiosité prendrait le pas sur l’envie ? Ou juste parce que le sujet le taraudait et qu’il n’avait pas bien mesuré les conséquences ?

Mais ce ne serait pas amusant. Je peux te proposer un marché. Je te laisse un accès quasi-illimité à mon matériel –sauf pour tout ce qui est matériel de pointe, où je veux être là-, ainsi qu’à la majeure partie des produits chimiques ; je peux te fournir des cobayes, humains ou non, après tout ça ne manque pas ici. En échange, tu devras me faire un compte-rendu de chaque expérience, traduire toutes les pages de ton carnet concernant tes yeux et avancer en priorité là-dessus. J’aimerai bien connaître les circonstances de la greffe, également.

C’était très équitable, restait à savoir si Lewiss saisirait sa chance. Après tout, Ikki lui offrait un accès presque libre à un matériel de pointe en chimie et médecine, ainsi que tout ce dont il aurait besoin, avec juste la contrainte de lui rendre des comptes. Il pouvait même travailler sur d’autres sujets en parallèle s’il le souhaitait ! Ca devait être plutôt alléchant pour un lycéen de génie cantonné au matériel de salle de chimie. Seulement, pour éviter qu’il ne se fasse doubler, il lui fallait un moyen de pression, en plus de la menace de mort qui pesait sur le rouquin.

Lui tournant le dos, il sortit un genre de trombinoscope où il rangeait toutes ses informations sur toutes les personnes du pensionnat, et lut sa page avec attention. Il y vit un détail rajouté au crayon de papier, concernant une certaine Alyss. En effet, un élève les avait surpris dans les escaliers à ce qu’il semblait. Bien, ça ferait l’affaire. –Pour sauver leur peau, ou juste avoir quelques privilèges, certains n’hésitaient pas à balancer ce qu’ils savaient sur tout le monde-.

Si tu veux, je peux t’amener un premier cobaye, à qui tu pourras extraire les yeux en toute intimité. Pourquoi pas Alyss Kawashima ? Elle m’a l’air parfaite pour ça.

Proposa-t-il d’un air innocent. Pas sûr qu’il y soit vraiment attaché, ni qu’il ne se sentira pas obligé de feindre l’ignorance et l’indifférence -à raison-. Mais Ikki était sûr en tout cas qu’ils se connaissaient, et si ça ne suffisait pas il ferait d’autres recherches et menacerait d’autres proches, voilà tout.

Ikki attendait, en prenant un air faussement désintéressé. A vrai dire il était curieux de voir si le Leo allait accepter, gagnant ainsi des avantages  non négligeables, mais prenant aussi de gros risques. Parce que Ikki, il était pas du genre commode. Un peu trop lunatique pour pouvoir être une personne digne de confiance. Et sadique aussi, entre autre. Et traîner souvent dans son antre pouvait réduire de manière considérable l’espérance de vie. Pire que les paquets de clopes. Bref.

Il attendait aussi de voir si sa petite menace avait fait mouche. Ça lui semblait trop beau comme information pour être vraie, aussi il attendait avec un peu de réserve. D’autant que Lewiss ne semblait pas être du genre à se soucier de tout le monde, mais uniquement de ses amis. C’était donc un quitte ou double.

▬ « Si vous parlez de l'ancienne chef des Scorpios, ce n'est qu'une gueularde bonne qu'à critiquer et à s'envoyer des fleurs. C'est le genre de personne qui parle mais qui n'agit pas, donc qui est totalement inutile, même en tant que cobaye. Vous n'avez qu'à en trouver des meilleurs. »

Un petit sourire vint lui grignoter un coin de la bouche. Alors il ne s’était pas trompé vu la réaction de Lewiss. Il n’aurait sans doute pas réagi sinon, le laissant encore parler dans le vide. Par contre la curiosité le gagnait. En effet, il n’avait pas les raisons exactes de la passation au sein des Scorpio. Aussi il rangea ça dans un coin de sa tête en se promettant de se renseigner plus tard.

Pour ne pas trop pousser Lewiss dans ses retranchements, et comme sa menace semblait plus ou moins efficace, Ikki décida de laisser passer, magnanime.

Si tu le dis.. Aurais-tu un autre nom en tête du coup ?

Si la réponse était non, il irait en piocher un dans ses listes. Le rouquin vint ensuite se planter devant son bureau, en s’appuyant dessus, ce qui lui fit réprimer une petite grimace. Il avait horreur qu’on touche à ses affaires. Pourquoi avait-il donc proposé ce marché alors ? Parce que ça valait le coup, et qu’il allait sans doute bien s’amuser.

▬ « Ensuite, pour votre proposition, ce n'est pas comme si j'allai la refuser, c'est beaucoup trop beau pour que je vous jette... Mais je ne vois pas pourquoi je serais obligé de vous raconter ma vie privée, ou mon passé, appelez ça comme vous voulez. Donc pour la dernière partie, vous pouvez oublier, à moins qu'en retour, vous ne me racontiez ce qui est arrivé à votre œil caché.  Ce serait peut-être utile de savoir ce qu'il lui ait arrivé, si vous désirez avoir de nouveau une pari d'yeux qui marche. »

S’accordant quelques secondes de  réflexion, il fixa le jeune homme, d’un air pensif. Il avait très envie de savoir son histoire, mais d’un point de vue scientifique, ce n’était pas nécessaire. Il devait peser le pour et le contre. Une chose était sûre, il ne voulait pas raconter ce qui lui était arrivé. Non pas que ça le dérange, mais pour lui faire céder la moindre once d’informations, il fallait batailler ferme. Sans doute un résidu de ses années de service à l’armée. Par contre, il lui fallait absolument connaître les circonstances de la greffe, pour avoir une base sur laquelle débuter.

Ca me paraît correct.. Seulement je n’ai rien à dire sur mon oeil, et n’ait aucune envie d’en changer.

Tout en souriant de manière ironique, Ikki souleva son bandeau, mettant ainsi son œil caché à nu. De l’œil il ne restait rien, uniquement une cicatrice verticale blanchie par les années, qui lui tranchait l’orbite et la paupière. Résultat d’un coup de couteau chauffé à blanc. Propre, mais pas très reluisant. En attendant il s'en accommodait très bien, et c'était habitué à ne voir que difficilement les reliefs.

Pour débuter les recherches, savoir exactement les conditions de la greffe de tes yeux me semble essentiel par contre. Sans parler de ta vie privée, si tu ne le souhaites pas.

Bon. En espérant que Lewiss comprenne la nécessité scientifique à ce genre de détails. Ça ne lui permettrait pas d’en savoir plus sur le Leo, mais sur son opération. En tout cas puisque les négociations en étaient à ce point, il pensait sérieusement à travailler ensemble.