J'ai une question. Une simple question. Pourquoi suis-je venue en sport, exactement... ? Je crois que ça doit faire trois mois que je sèche... Peut-être parce que je croyais que c'était athlétisme. Tiens, pourquoi je pensais ça, d'ailleurs... ? Faux espoir, haha. S'il y a bien un sport que j'apprécie, ça doit être l'athlétisme. Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais j'aime vraiment ça. Le fait de courir sans se retourner, de ne pas pouvoir regarder en arrière. Parfois, j'ai l'impression que ça me permet une courte évasion. Quelque part, je ne peux pas penser à mon passé quand je pratique ce sport. Même si la prof est une psychopathe. Encore que, elle a l'air de m'apprécier... Je ne sais pas ce que Phantom lui a raconté, mais je n'ai pas vraiment envie de savoir. Je soupirai en me changeant, enfilant une tenue de sport. Comment j'ai pu confondre l'athlétisme avec le basket... ? Je n'ai pas grand-chose contre le basket, mais bon. Disons que j'ai un problème avec les sports de groupe, alors je m'arrange toujours pour arbitrer. Enfin bref. C'était trop tard, maintenant... J'achevai de m'habiller, râlant contre ces tenues – rien de bien indécent, mais j'ai tellement l'habitude d'être couverte qu'un débardeur et un bermuda me mettent vraiment mal à l'aise – et contre mes cheveux qui refusaient de se laisser attacher. Je finis par réussir la tresse qui battait à présent le bas de mon dos, nouai mes chaussures et sortis du vestiaire la première. Pas vraiment étonnant, ce n'est pas comme si j'avais des gens à qui parler. D'autant que je mettais un point d'honneur à ne pas traîner lorsque je me changeais. Je... Je ne voulais pas qu'elles voient ma cicatrice. Je ne voulais pas qu'on me pose de questions. Même si certaines d'entre elles savent ce qu'il s'est passé... Je bus un coup au robinet avant d'entrer dans le gymnase lui-même, constatant que tous les garçons ou presque étaient déjà là, à se chamailler. Quelle bande de dégénérés... Je m'adossai au mur, les mains enfoncées dans mes poches, pestant contre l'absence de capuche. J'ai comme l'impression que quelqu'un, quelque part, cherche à me pousser à bout, aujourd'hui. Une voix familière retentit soudainement à mes oreilles. Que... HA. OH. EH. JE. Je détournai la tête dans la direction opposée à la touffe rousse qui s'agitait dans tous les sens, me sentant une soudaine passion pour la jonction entre le plafond et le mur d'escalade. Finalement, la classe fut au grand complet, et je m'arrangeai pour me placer le plus loin possible de lui, baissant la tête, me retenant de rougir à grand-peine. POURVU QU'IL NE M'AIT PAS VUE. La prof se mit à parler et toute la classe sortit en râlant. ... Hein ? On fait basket dehors ? D'accord mais... OH. OH MON DIEU. IL SE RAPPROCHE. Je... JE FAIS QUOI ?!! ... Tant pis, je me colle à la prof. Enfin, façon de parler, ahaha. Il faisait bon dehors, un léger vent agitait les vêtements, les cheveux, les feuillages des arbres. La prof fit des équipes en séparant filles et garçons en annonçant que les garçons commenceraient après l'échauffement. OH NON. L'ÉCHAUFFEMENT. Je commençai immédiatement mon footing, en courant trop vite pour ne pas être rattrapée. À ce rythme-là, j'allais être vidée avant même d'avoir commencé, mais ça m'était égal. Je courais depuis à peine une minute quand une voix joyeuse retentit juste à côté de moi.

« ALE-CHAAAAAAAAAAAN !! », s'écria Ace avec son éternel sourire rayonnant. « ÇA FAISAIT LONGTEEEEEEEEMPS !! »

Ne... Ne pas rougir. Ne pas rougir. Je replaçai machinalement une mèche de cheveux derrière mon oreille, ce qui ne servit absolument à rien puisqu'avec les mouvements de ma course, elle s'enleva immédiatement. Je toussotai légèrement et reportai mon attention sur ce qui se passait devant moi, espérant réussir à maintenir mon air inexpressif.

« Salut », lâchai-je en m'efforçant de ne pas penser à son sourire, à son visage, à sa voix si agréable, si chaleureuse. « Et... ehm... On a dû se voir ce matin, je suppose, non ? »

... Rectification, je ne l'ai pas vu, ce matin. Je l'ai entendu se lever en faisant un boucan pas possible, mais comme je commençais plus tard pour cause d'absence de la prof de français – ouais, je lis dans l'avenir maintenant –, il est parti avant moi. ... Je crois que je n'ai jamais autant béni l'espèce de bunker que j'ai fait avec les meubles de la chambre. Comment aurais-je réagi, s'il m'avait regardée en train de dormir... NON. Ne pas y penser. Ne pas penser à Ace. Mission impossible quand un, il était à côté de moi, deux, il me parlait, et trois, il était dans une tenue aussi... aussi... INDÉCENTE, VOILÀ.

Vous savez pourquoi j'aime le basket ? Non ? Bah, figurez-vous que moi non plus. C'est bien pour ça que je continue à jouer, pour savoir pourquoi j'aime bien. J'aimerais bien être un peu plus grand, d'ailleurs. C'est plus pratique pour jouer, mais passons. Toujours est-il qu'aujourd'hui, c'est basket ET JE SUIS HEUREEEEEUX. Oui, il m'en faut pas beaucoup, mais si je passais ma vie à chipoter, ça serait pas marrant. C'est bien mieux de se réjouir à chaque instant, d'un rien, comme ça. Ça aide à tenir le coup.

Je me changeai joyeusement - OUI, C'EST POSSIBLE, surtout quand on a la classe -, tout en discutant avec d'autres élèves. Enfin, discuter. Plutôt faire un pari sur le nombre de points marqués et aussi à l'équipe duquel la victoire sourira. Et autant le dire dès le début : je déteste perdre. Enfin, j'imagine que j'aurais juste à faire de mon mieux, advienne que pourra.

Sans arrêter de chahuter allègrement avec les autres - bah quoi, c'est humain, non ? -, je pénétrai dans le gymnase, vide. Aaah, y en a qu'ont fait le ménage en plus, c'est cool. Quand je suis passé hier, y avait des traces noires louches sur le sol. Vous savez, ces taches laissées par les baskets quand on fait un dérapage ou ce genre de choses. Quand je les vois, j'ai l'irrésistible envie de courir le long d'elles en sport. Ce qui est con puisque c'est parfois une erreur. Mais je réussis à les rattraper donc en fait, c'est pas si grave que ça. Bref.

La prof arriva. D'ailleurs, j'ai déjà dit que cette prof était bizarre ? On a l'impression de faire un stage commando dans l'armée américaine à la Fullmetal Jacket, des fois. Une fois, je lui ai fait le coup du "CHEF OUI CHEF". Les 30 tours de terrain, je les ai sentis passer. ... Oh bah, on sort. C'est pas mal, il fait beau aujourd'hui, en plus. Et puis, y aura pas les couic couic des chaussures sur le sol, comme ça.

Étant donné que les équipes n'étaient pas mixtes, je me permis de ne pas écouter pendant qu'elle appelait les filles pour reprendre mon passionnant débat - je vous interdis d'en douter -. Je perdrai pas. NON MAIS OH. C'est pas classe sinon. Quelques minutes après, les équipes masculines furent faites - ooooh, la mienne est pas trop mal ... ENFIN, J’ESPÈRE, je sais plus qui ils sont et j'ai dit ça juste parce que j'en fais partie, hein -.

Et puis, l'échauffement. J'AIME PAS M’ÉCHAUFFER. Je veux passer aux choses sérieuses maintenant, moi. ... Ah, quoique. J'ai repéré un gens que je connais, donc ça peut aller. J'augmentai donc ma cadence pour la rattraper, l'interpellant gaiement. ... Eeeeeh, elle ralentit même pas pour m'attendre ! C'est pas sympa, ça, Ale' ... Oui, parce que son prénom entier, il fait plus de 2 syllabes, c'est trop long. Ça va bien plus vite comme ça.

« Salut. Et... ehm... On a dû se voir ce matin, je suppose, non ? »

Mais pourquoi tu regardes devant toi quand tu me parles alors que je suis juste à côté ? C'est pas sympaaaaaaa - et ça fait la 2e fois de la journée -. J’accélérai donc encore un peu pour me placer devant elle et me retournai. Courir à reculons sans se croûter, c'est la classe, mouahahaha.

« Baaaah, non, tu dors toujours dans ton bunker anti-nucléaire donc je t'ai pas vue. Ou alors, t'es partie super tôt le matin pour ... pour ... pour j'sais pas, moi, p'têt que t'avais un rencard en secret avec quelqu'un et que tu veux pas que ça se sache donc tu te planques ? On sait jamais. »

Je jetai un oeil derrière moi pour voir où était le virage pour ne pas me prendre la barrière dans la face. Bon, d'accord, dans le dos. Mais c'est la même chose.

« En fait, maintenant que j'y pense, le soir non plus, j'te vois pas beaucoup. Tu devrais penser à virer ton bouclier, là. Surtout qu'il est hautement inflammable. » dis-je pensivement.

( HRP : Désolééééée du retard. Tu peux me taper, si tu veux. ToT
Ou alors, je te vends Ace. 8D *sort* )

Je viens tout juste de réaliser quelque chose. Quelque chose de vraiment important. Il. Il. Il m'a appelée Ale-chan. Reste calme. Respire. Respire profondément, ou tu vas avoir un point de côté. Là, voilà. Caaaaalme... Faites que je ne rougisse pas. Par pitié. ... Mais Ace n'est pas japonais. C'est évident, entre son accent, son nom, son physique... Il n'est pas japonais. Par conséquent, il ne comprend même pas les subtilités des suffixes aux noms propres. Non, il ne les comprend pas. Il a juste sorti ça comme ça. Ça ne veut rien dire. Il n'y a absolument aucune raison de s'inquiéter. Tout va bien. ON SE CALME. ... Mais. Mais. Tu comprends pas que j'essaye par tous les moyens d'éviter ton regard ?! Alors pourquoi tu te fous bien devant moi ?! Et pourquoi tu cours à reculons... ? Tu vas finir par te péter la gueule en ayant l'air bien con. Et comme t'es juste devant, je vais me ramasser moi aussi. Donc non. Sur toi, en plus. ... NON, VRAIMENT PAS. FAIS GAFFE, MERDE.

« Baaaah, non, tu dors toujours dans ton bunker anti-nucléaire donc je t'ai pas vue. »

... Faut que j'arrête d'écouter ce qu'il me raconte. Mais vraiment. Non, ça ne sonne pas comme un reproche ou une déception. Non, non, non. C'est un simple constat. Sinon... J'ai besoin de cette barrière pour mon équilibre mental. J'ai besoin de m'isoler. Autrement, je vais réellement devenir folle. Désolée, Ace...

« Ou alors, t'es partie super tôt le matin pour ... pour ... pour j'sais pas, moi, p'têt que t'avais un rencard en secret avec quelqu'un et que tu veux pas que ça se sache donc tu te planques ? On sait jamais. »

... Je vais mourir. Ace. Tu veux ma mort, en fait. Reconnais-le, au moins. Argh, ça fait mal... Je pris soin de ne pas regarder son visage, même si je me doutais qu'il souriait encore. Je préfère ne pas y penser. C'est... Aaaaah, ne pas le montrer. Il va se poser des questions, sinon. Me poser des questions. Je me concentrai sur ma course et accélérai encore un peu, sachant pertinemment que je ne tiendrais pas longtemps à cette allure, avant de ralentir en me rappelant qu'il valait mieux éviter qu'Ace s'écrase au sol.

« En fait, maintenant que j'y pense, le soir non plus, j'te vois pas beaucoup. Tu devrais penser à virer ton bouclier, là. Surtout qu'il est hautement inflammable. »

Mon sang se glaça et un frisson me parcourut le dos. Feu. Feu. Il a dit feu. Il a parlé de feu. Je stoppai net, le visage exsangue, yeux clos, et tentai de reprendre ma respiration. Inspirer, expirer. Profondément, avec lenteur. Visualiser un extincteur, un seau d'eau, n'importe quoi. Inspirer, expirer. Un vertige me saisit quand j'imaginai la chambre brûler, envahie par les flammes. Je vacillai et me retins au premier appui que je rencontrai. Stop. Arrête. Sentant mon corps commencer à trembler, je m'accrochai plus fort, tentant désespérément de me calmer. Ma bouche s'ouvrit sur un cri muet quand l'image de notre maison en cendres s'imposa à mon esprit. Non. Ne pas pleurer. Je dois me contrôler. Me contrôler... De l'eau. De l'eau. La mer, la glace, le froid, les tempêtes de neige. Mon appui est chaud, trop chaud. Je le lâchai et me laissai tomber au sol, mais le choc attendu ne vint pas. Quelqu'un m'appelle. Un homme. Papa ? Papa, c'est toi ? Pardon, je suis désolée, je n'ai pas pu vous sauver, toi et les autres, pardon, pardon, pardon... Je me forçai à ne pas l'écouter. Non, pas maintenant, ou je vais vraiment devenir cinglée. Je pris le temps de reprendre mon souffle, de calmer les battements de mon cœur, et de rouvrir lentement les paupières. Le soleil m'éblouit un instant avant de disparaître brusquement, me permettant de voir correctement.

Le soleil derrière lui lui faisait comme une auréole de lumière. Sa main sur mon poignet n'était plus si brûlante, mais diffusait une chaleur douce qui éloignait mes démons. C'était sa voix qui m'appelait, sa voix à lui, pas celle d'un défunt qui me hantait. Je rougis légèrement. Il était si beau. Si proche. Si agréable. Je le regardai quelques instants, subjuguée, avant de toussoter et de me redresser brusquement, en ôtant ma main que je passai machinalement derrière ma nuque, gênée.

« Je... Euh... Désolée », finis-je par articuler. « Je... vais bien. Ça... ça va mieux. Je... Merci... », terminai-je d'une petite voix.

Je ne savais pas quoi faire. Quoi dire. Quoi penser, même. J'étais grillée à vie. C'était à lui que m'étais désespérément agrippée, contre qui je m'étais serrée pour ne pas m'écrouler par terre. J'ai juste envie de disparaître au fond d'un trou. Au fin fond d'une abysse. Je veux mouriiiiiir.

( HRP : No problem 8D Ovouiiiii, un Ace rien que pour moi, le cerveau d'Ale' va se désintégrer 8D )