Il était une fois… Un nourrisson adorable. Rose et dodu, le petit bébé tant attendu montra le bout de son nez un certain 1er mai où les rayons du soleil combattaient inlassablement pour réchauffer l’air et reconquérir Londres. Le nouveau-né, lui, commençait alors son voyage, découvrant peu à peu ce que c’était de respirer, de voir et de toucher, bref de vivre. Benjamine d’une famille qui sera seulement composée de deux filles, la fillette eut la chance de naître dans une famille aimante et un environnement propice au développement.

« Alice, joli prénom pour une jolie enfant. » Répétait sans cesse la voisine. En effet, coquette et timide, Alice attirait l’affection des adultes tant elle était sage et délicate. Sa sœur Amanda, elle, préférait toujours sortir jouer dans la boue et courir dans les champs, se salissant et disparaissant souvent pendant de longues heures. Complètement aux antipodes, les deux sœurs s’appréciaient autant qu’elles se portaient de l’attention. Très peu. Ce n’est pas qu’elles se détestaient, au contraire il lui arrivait de jouer ensemble, mais elles n’avaient aucun point en commun, l’une préférant le sport et l’autre les jeux intérieurs.

Même si tout ce qu’entreprenait sa sœur se terminait en succès, Alice ne se découvrit jamais un talent particulier. Elle faussait toutes les notes possibles alors que sa sœur chantait parfaitement juste. La benjamine ne pouvait même pas faire un cercle rond, alors que sa sœur décorait sa chambre de tableaux spectaculairement peints. C’est aussi à cette période de sa vie, lorsqu’elle eut sa propre chambre, qu’Alice se mit à craindre le noir. Ne supportant pas de dormir seule sans lumière, elle se faufilait dans la chambre de ses parents et se couchait dans un coin de la chambre. Leur seule présence suffisait à la calmer.

Ils essayèrent tous les trucs qu’on leur conseilla. De la petite lumière veilleuse aux subterfuges de la laissée s’endormir dans le salon pour ensuite la déplacée vers sa chambre, dès qu’Alice se retrouvait seule dans le noir, elle pleurait et alla même quelques fois jusqu’à frôler la crise de panique. Au final, la seule solution fut de la laisser dormir la grande lumière allumée. Et pas question de la fermer avant le matin. Alice craignait de se retrouver morte au matin, des monstres qui se cachaient dans le noir. Elle se sentait complètement engloutie dans les ténèbres et sombrait dans la crise de panique, suffoquant et s'époumonant à la recherche d'air. Bien que la fillette savait que sa peur était irrationnelle, elle n'arrivait pas à se contrôler. Honteuse, elle refusait de parler de sa terreur et baissait le regard dès qu'on en parlait. Toute son enfance, elle contourna les situations qui pouvaient l'emmener à se retrouver dans le noir. Elle ne découcha jamais chez des copines et rentrait toujours très tôt à la maison. Personne autre que ses parents et sa soeur - qui s'amusait bien de la terreur d'Alice - ne sut à quel point elle était effrayée du noir.

Vers l’âge de 6 ans, Alice éprouva les premiers papillons des amourettes de jeune fille. Edern habitait le voisinage et était assez ami avec Amanda pour venir jouer et même parfois prendre le repas avec les Maitland. Jeune, frêle et timide, Edern était totalement l’opposé d’Amanda, c’en était à se demandé pourquoi ils étaient amis. Souvent, le garçon s’intéressait aux jeux d’Alice, ce qui déplaisait à Amanda, elle qui appréciait les jeux plus actifs. Le garçon tentait de faire la conversation avec la benjamine lorsque son amie était occupée, regardant ses dessins ou s'intéressant à ses histoires. Il lui était même arrivé de poser des questions sur ses poupées. Il mettait Alice grandement mal à l'aise, elle qui avait toujours préféré jouer seule, et n'avait jamais su parler aux autres, encore moins à celui qui faisait battre son coeur. Edern ne semblait pas se rendre compte qu'elle avait de la difficulté à articuler des phrases intelligente en sa présence, ou qu'elle détournait le regard et rougissait. Et il continuait de s'intéresser à la jeune fille.

Au fil du temps, Alice et Edern devinrent plus proches que pouvaient l’être la cadette et son ami. La benjamine voyait maintenant souvent le garçon sans sa sœur, et ils devinrent rapidement inséparables, ce qui rendait maintenant Amanda folle de jalousie. Mais les deux jeunes enfants n’y pouvaient rien ; malgré leur différence d’âge et leurs amis respectifs, ils s’appréciaient naturellement. Alice, elle, ne pouvait pas croire que l’ami de sa sœur, celui pour qui elle avait toujours craqué sans trop savoir pourquoi ni osé l’admettre, ose s’intéresser à elle. Son petit cœur de petite fille battait toujours, et même encore plus, la chamade à son contact.

Protégée à l’école, accompagnée sur le chemin du retour, Alice était comblée par cet ami et ne s’intéressait à personne d’autre en sa présence. Il faut dire qu’à ce moment, elle n’avait pas encore développé les habiletés pour se faire des amis. Amanda, elle, en possédait tout plein, mais restait tout de même follement jalouse et devenait presque méchante envers sa sœur. Elle voulait la seule chose que sa sœur avait de plus qu’elle ; le jeune homme qui avait délaissé la parfaite Amanda pour la timide Alice. L’aînée n'avait pas l'habitude de perdre face à sa soeur, et ses moqueries devenaient de plus en plus cruelles. Elle s'amusait bien à sous-entendre des choses entre les deux enfants, faisant rougir Alice jusqu'aux oreilles.

Alors qu’elle approchait de la huitième année de vie, Alice découvrit l’amour des étoiles et de l’astronomie. Edern, alors âgé de 12 ans, avait acquis le sien de ses parents astronomes, et invita éventuellement sa meilleure amie à observer les étoiles avec lui durant la nuit. Refusant d'abord systématiquement toutes les invitations d'Edern, Alice n'eut plus d'autre choix que d'avoir sa peur ou s'y rendre, acculée au mur par son ami qui devenait insistant. Il voulait vraiment partager sa passion et ses connaissances avec Alice, et bientôt elle ne put qu'accepter, espérant pouvoir cacher sa frayeur. Tout sa passe bien pour la jeune fille qui était heureusement calmée par la présence de son chevalier, jusqu'à ce qu'il la quitte à l'extérieur le temps d'aller chercher des boissons à l'intérieur. La jeune fille se mit à devenir hystérique, se retenant pour ne pas hurler de terreur. À son retour, le garçon retrouva son amie en larmes et en proie à une panique monstre. C'est à force de mots réconfortant et de douces paroles qu'Edern réussis à la calmée, lui parlant des étoiles et de la lune.

« Without the dark, we’d never see the stars »

Il lui parla des étoiles et d'astronomie pendant des heures durant. Comment la lumière ne pouvait exister sans la noirceur, comment les plus beaux trésors de l'univers - ici les étoiles - n'étaient visibles qu'une fois plongé dans le noir. Il lui apprit les constellations, lui décrivit les planètes, La petite fille, folle d'admiration pour son ami, tomba follement amoureuse de la Voie Lactée et de ses trésors, appris tout comme seul une élève très motivée sait le faire, et l'accompagna chaque fois qu'elle le pouvait à regarder les étoiles.

À l’école, les enfants aimaient beaucoup taquiner Alice sur sa relation avec Edern, qu’ils catégorisaient comme relation amoureuse. Folle d’orgueil et d’embarras, Alice se défendait à coup de : « il n’y a rien entre Edern et moi, je ne l’aimerais jamais », et ce malgré qu'elle rêvait fréquemment qu'il lui avou son amour. Elle s'imaginait parfois être à la place de celui des deux qui se déclarait, mais le rêve virait alors au cauchemar. Trop effrayée qu'il la repousse, elle ne se déclara jamais. Et ce malgré toutes les occasions qu'elle avait eu.

Au courant de son adolescence, Alice grandissait et prenait des formes, devenait plutôt jolie. Quelques garçons s’intéressèrent à elle, mais elle ne vit jamais leurs intérêts, étant toujours follement amoureuse d'Adern. De toute façon, ils se désintéressaient rapidement de l'adolescente après avoir compris son amour aveugle pour son meilleur ami, ou bien lorsqu'ils constataient que malgré son joli minois Alice demeurait une fille affreusement banale. Durant toutes ces années où l’adolescente allait à l’école, obtenait de bons résultats, se faisait quelques amis et lisait beaucoup, elle ne trouva jamais quelqu’un qui égala Edern dans son cœur. Et, bien heureusement, les deux adolescents étaient toujours restés aussi étroitement liés. Bien qu’ils n’abordèrent jamais l’idée d’être un couple, ils passaient tous leurs temps libres ensemble, malgré l'horaire de l'adolescent qui devenait très chargé, avec l'école, les clubs et les études.

Amanda, qui avait entre temps fini par ignorer la relation entre sa sœur et son ancien ami, quitta la maison familiale pour terminer ses études universitaires dans une bonne école, subsistant par elle-même comme seule elle savait le faire. Les parents, quant à eux, reçurent une invitation à aller travailler au Japon. Bien que leur fille n’avait pas terminé leur scolarité et vivait encore avec eux, ils décidèrent d’accepter. Le père d’Alice était transféré dans la nouvelle succursale de la compagnie pour laquelle il travaillait. En plus de changer de ville, il devenait alors directeur de cette succursale, ce qui lui offrait une bonne opportunité d’avancement. La mère d’Alice, elle, pourrait alors rester à la maison, prendre soin du foyer et de sa fille, qui terminerait ses études dans un nouveau pays et une nouvelle langue.

Contre son gré, Alice suivit ses parents non sans être triste, peinée et déçue de quitter la petite vie qu’elle menait. Bien qu’elle avait toujours rêvé de voyager et de voir le monde, elle avait toujours prévu de revenir au bercail ensuite, mais surtout de revenir à Edern, qu’elle devait alors quitter. Elle eut beau lui précisé que ce n'était pas un au revoir, la nouvelle fit aussi énormément de mal à l’adolescent qui voyait de moins en moins sa meilleure amie, alors qu’il étudiait à la même université qu’Amanda. Leurs adieux furent déchirants et émouvants.

Pour Alice, le monde s’effondrait. Elle aurait pu rester en Angleterre, travailler pour payer sa part et vivre chez sa sœur. Ses parents ne voulaient pas payer un sou pour qu’elle reste à Londres, cependant. Alice trouvait cette situation beaucoup trop exigeante, et l’idée de quitter ses parents la faisait autant souffrir que celle de quitter son meilleur ami. Elle s’engagea alors dans l’avenue du déménagement, se préparant à quitter son univers pour un autre dans lequel elle ne connaîtrait rien. Alice ne connaissait même pas le japonais…

À dix-sept ans, la jeune fille arriva en terrain inconnu, et perdit une année de scolarité pour apprendre la langue de son nouveau pays. Elle ne se découvrit pas d’autres amis, restant en contact avec Edern à qui elle envoyait des SMS sur une base très régulière. Ils parlaient par vidéo, s’envoyaient des messages et des photos. Le cœur en miette, Alice s’est un peu repliée sur elle-même depuis son arrivée au Japon, et lorsque son apprentissage de la langue japonaise fut complet, elle entra à l’école le plus rapidement possible. Le seule établissement à avoir répondu à sa demande d’admission en plus milieu de l’année scolaire fut Infinite World, qui la fit cependant refaire la moitié d’année qu’elle avait déjà fait. Théoriquement, elle avait donc perdu deux années scolaires, elle qui était si près de terminer sa scolarité se retrouvait au même point de départ un an plus tôt.

Malgré tout, Alice retrouvait son sourire d’aller à l’école et de rencontrer de nouvelles personnes. Même son accent anglais qui transparaissait grandement lorsqu’elle parlait japonais, ses yeux bleus et son origine caucasienne, la jeune femme avait bonne foie de bien s’intégrer et de se faire des amis. Edern restait dans sa tête et dans son cœur, avec qui elle communiquait toujours très souvent, mais elle réussissait à passer un peu à autre chose. Tous s'entendaient pour dire que le changement et l'avancement dans sa vie l'aiderait à passer outre la dépression du déménagement. De nature enjouée et confiante, elle fut soulagée de quitter enfin un peu plus la maison, passant moins de temps seule dans cet univers qui lui rappelait sans cesse son monde perdu.